LE RARA est une des grandes fêtes culturelles du peuple haïtien.

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La discipline imposée dans le Nord par le Roi Henry 1er échappe totalement à cette tradition qui traverse les régions de Léogane et les deux Goave : Petit Goave et Grand Goave.

Contrairement aux idées reçues, le rara n’est pas un carnaval rural, affirme Jean Coulanges. L’anthropologue et professeur à l’Université d’État d’Haïti soutient que c’est une manifestation champêtre. D’après la loi, déclare-t-il, les bandes de rara ne devaient en aucune façon évoluer dans les villes.

Le rara s’est développé essentiellement à Léogâne et dans l’Artibonite, poursuit Jean Coulanges qui dit en avoir aussi relevé des traces dans la Grand’Anse et dans le Sud mais pas avec la même ferveur que dans la région de Léogâne, lieu privilégié d’exhibition du rara.

Cette manifestation populaire tire son origine d’une ancienne célébration, indique M. Coulanges. Le rara est, selon lui, une fête précolombienne où les Indiens célébraient l’équinoxe de printemps, jour consacré par les Mayas à la nature. Ils fêtaient, dit-il, trois choses en même temps: le maïs, l’or et le soleil. Joseph Ronald Dautruche, doctorant en ethnologie et patrimoine à l’Université Laval, rapporte que, selon la tradition orale, la Reine Anacaona (née à Yaguana, actuel Léogâne) se rendait souvent avec sa garde d’honneur vers l’Artibonite pour visiter son époux Caonabo, cacique du royaume du Maguana (actuellement Département de l’Artibonite). Les déplacements de la Reine se faisaient au son de la musique, poursuit-il.

Marie-Louise Woël, éducatrice de la Petite Enfance et épouse de l’historien Georges Michel, abonde dans le même sens que l’anthropologue Jean Coulanges. Pour elle, le rara date de l’époque indienne. Les Indiens, dit-elle, savaient organiser des fêtes pour célébrer la Lune et le Soleil. Ils allaient en bande, d’un caciquat à un autre, comme dans un rara. Quand ils ont commencé à mourir et à se décimer, les premiers esclaves se sont mélangés aux Indiens survivants. Ainsi, il s’est produit un syncrétisme comme c’était le cas entre le vodou et la religion catholique.

Une bande de rara est comme une société. Elle fonctionne avec, entre autres, un président, un vice-président, un gouverneur, un commandant et un colonel, fait savoir Jean Coulanges. Il y a aussi le Samba, et le jongleur communément appelé major-jonc. Ce dernier, dont le rôle est d’embellir et de mettre en valeur le devant de la scène, est en voie de disparition dans la capitale des rara.

Signalons pour notre anthropologue Jean Coulanges , que le colonel est remplacé par un empereur, influence des sociétés secrètes et le major- jonc n’est pas là seulement pour embellir le devant de la scène, il est détenteur de pouvoir mystique pour faire face contre toute équipe adverse ( autre rara ) il est présidé par celui qui commande le parcours avec le fouet ( fwèt cash) et en troisième position arrive le bourreau de la troupe qui dans sa sacoche détient des médicaments contre toute attaque.

La bande ne peut pas quitter son lakou sans l’approbation ou l’autorisation mystique du colonel qui, de concert avec le houngan, assure la sécurité spirituelle de la foule.

Toute la période du rara (du mercredi des cendres au dimanche de pâques) est marquée par l’organisation d’agapes. Chaque bande de rara, à l’occasion de son anniversaire de fondation, tient une fête solennelle dans son lakou. Cette année, il existe 28 bandes à Léogâne. Donc 28 agapes (dénommées Kav par les habitants de la région) seront organisées. La bande de rara, qui célèbre son anniversaire de création, reçoit la visite de plusieurs autres bandes et leur sert un repas copieux et festif.

Village de Pointe Sable / Port Salut.

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