Éduquer l’Afro-citoyen à être responsable de son environnement

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Par Jean-Jack GRENET

En 1980, René Dumont écrivait «la protection de l’environnement exigerait une vaste campagne d’éducation généralisée, au même titre que l’hygiène ou la malnutrition». Ce cri d’alarme d’un homme qui ne s’en laisse pas conter, spécialiste de l’Afrique, écologiste de la première heure, a t-il été suivi d’effet?

Les organisations internationales dont le rôle est de se pencher sur les problèmes de la planète se sont éveillées parfois tardivement à la protection de l’environnement africain et longtemps, dans les ministères chargés des programmes de coopération, on a surtout raisonné en termes d’investissements lourds et de PNB. L’éducation d’un citoyen du monde, responsable de son environnement ne constituait pas une priorité. Aujourd’hui, devant l’urgence de la situation, l’hésitation n’est plus de mise.

Les enquêtes internationales, les rapports de l’ONU, les statistiques de la Banque mondiale sont au moins unanimes sur un point : la dégradation de l’environnement africain est une réalité dont les conséquences seront catastrophiques sur ce continent si des mesures ne sont pas prises immédiatement. Pêle-mêle on cite le recul de la forêt tropicale (plus de 100 000 hectares par an en Zambie), l’avancée du désert (300 km en trente ans pour les pays du Sahel), l’urbanisation galopante et la démographie dont les taux de croissance font frémir. C’est à croire que les africains se soucient peu du milieu dans lequel ils vivent. Voilà tout au moins le réquisitoire que dresse l’Occident.

De l’autre côté, les Africains invoquent l’importance de la tradition pour justifier certaines pratiques agricoles qui ont d’ailleurs leurs preuves: la culture sur brûlis, objet de toutes les accusations, a contribué pendant des siècles à la protection du milieu mais n’a pas résisté à la poussée démographique. Le problème ce n’est pas, et de loin, l’absence de réflexe écologique en Afrique: le continent est un des berceaux de l’humanité et l’homme y conduit ses troupeaux depuis plus de huit mille ans. Si son action était nuisible, ce serait par rapport à un âge d’or plutôt lointain. 

«On a oublié que les Africains savaient faire de l’écologie», avouait un expert européen lors de la conférence de Rio. L’enfant d’Abidjan apprend très tôt à ne pas gaspiller les ressources qui l’entourent : le recyclage des déchets que l’Europe a découvert il y a quelques années était une réalité bien plus ancienne dans les ville africaines où plastiques, verre, boîtes de conserve son récupérés, revendus ou transformés. Désapprendre le gaspillage constitue un objectif d’apprentissage dans les écoles du Nord, pas forcément en Afrique où par nécessité ces gestes appartiennent au quotidien. 

Ce qui ressort ici de l’acte de raison tient de la survie là-bas.

Mais alors quel rôle pour l’éducation ? sans contestation possible, la cruelle urgence de la protection de l’environnement ne se résoudra que par l’émergence d’un citoyen africain  conscient des problèmes et prêt à agir. Or qui peut mieux le former que l’école? l’avenir du continent se joue maintenant : 90% de ses recettes d’exportation et 50% des emplois proviennent de l’exploitation des ressources naturelles. Qu’en sera-t-il dans vingt ans si les décisions ne sont pas prises ? de nouveaux techniciens, ingénieurs, cadres doivent être formés qui sauront intégrer à leur programmes la variable environnementale. Ce n’est pas pour satisfaire ses bailleurs de fonds que l’Université Senghor pour le développement de l’Afrique, dont les locaux sont installés à Alexandrie, a ouvert deux nouvelles sections environnement il y a deux ans, et plus récemment conservation du patrimoine naturel.

A son niveau, le simple citoyen africain ne rejette pas la protection de l’environnement, mais le quotidien l’empêche de prendre le recul qu’en Occident on estime nécessaire. Les enfants de Dakar ou d’Abidjan sont souvent plus préoccupés par des problèmes de survie que par le sort de la planète. Ce qui leur importe, c’est de s’en sortir aujourd’hui et la couche d’ozone qui se dilue, pas plus que l’effet de serre, ne signifient rien pour eux. Au contraire les enfants du Nord, pour qui en majorité le quotidien ne pose guère de difficultés, conçoivent aisément les conséquences néfastes de la disparition des forêts ou des gaz rejetés dans l’air. L’éducation africaine se gardera donc de calquer ses programmes sur ceux du Nord qui ne sont pas fondés sur les mêmes présupposées. Encore faudrait-il que les programmes existent : or la lecture des manuels scolaires quelle que soit la discipline est souvent éclairante sur les lacunes en la matière.

Pourtant l’environnement intéresse plus d’un Africain, et paradoxalement c’est un obstacle au développement de sa protection. Car si les problèmes de voirie, l’absence de toilettes dans les écoles ou le ramassage des ordures concernent la base de la population, prête à agir, les décideurs qui ont souvent le privilège de vivre dans des zones relativement protégées ne s’en préoccupent guère. D’autant que la construction d’un système d’évacuation des eaux usées n’a jamais débloqué des capitaux en nombre. Les gros bailleurs de fonds, comme les grands financiers locaux, préfèrent les projets dispendieux (dont l’utilité est sans rapport avec le coût) aux initiatives locales, moins onéreuses et bien plus efficaces. 

L’école peut alors jouer son rôle favorisant la prise en charge au niveau local des urgences et contribuant à former de futurs étudiants plus à : même de répondre aux besoins de l’Afrique. Trop longtemps l’écologie a paru aux africains comme  une idée occidentale venant s’opposer à leur soif de développement. Pas facile en effet d’expliquer à un paysan dont ils détruisent régulièrement les récoltes que les éléphants doivent être protégés. Seule l’éducation permettra la réappropriation de concepts et d’idées dont la pertinence n’est plus mise en cause. A cet effort s’emploient désormais les organisations internationales, Unesco en tête, mais également le ministère de la coopération ou la ligue de l’éducation. L’un des programmes s’intitule «citoyenneté, environnement, développement» les trois maîtres-mots de l’action qui sera menée dans les années qui viennent en Afrique.

Les mesures de protection de l’environnement sont:

  • Le maintien d’un environnement sain
  • L’assainissement
  • La lutte contre l’érosion et la déforestation
  • Le reboisement
  • La protection de la faune

Extrait de : Diagonales, N°29, 1994, pp.23-24

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