AUX HAÏTIENS DE TOUS LES COINS DU MONDE

Il nous incombe de chanter Haïti, cette terre mystérieuse où chaque pierre conte la légende des ancêtres comme dans ces contes narrés, le soir, sous la tonnelle ou sous le dais constellé d’étoiles de nos ciels de provinces. Nous avons choisi de déposer nos armes en ce Dimanche, jour du Seigneur, pour que cet extrait soit le point de rencontre de tous les Haïtiens, sevrés d’un jour ou d’un moment, de la terre natale nourricière.

ICI ET AILLEURS
Nous avons appris qu ‘ailleurs
quelque part dans le monde des hommes
la vie et l’amour se donnaient à l’infini
nous avons appris que la liberté
marchait à côté des hommes

Mais nous qui venons
du plus profond du renoncement
il n’est pas de langage pour expliquer
le drame incohérent des contradictions
qui marquent notre vie

Nous avons renoncé à la bouillie du soir
au parfum du “petit baume”
qui inondait la maison et les coeurs
pour courir après des étoiles éteintes
nous avons renoncé à nos raisons
et à nos devoirs les plus péremptoires
pour suivre les nuages du renouveau
nous sommes allés jusqu’à renoncer à notre héritage
enfant mort-né dans les langes de l’histoire
pour accorder nos voix à l’octave des reniements
Onu, Oea, Ambassade, Coregroupe, Caricom, petits rochers de la Caraïbe
Nous sommes descendus bas, trop bas
Jusqu’à ignorer combien nous faisons pleurer
Cuba, Vénézuéla nos seuls grands et vrais amis

Nous avons pourtant oublié
que nous sommes d’un village
de 28.000 kilomètres carrés
où des nuages insolents gueulent les étoiles
pour les faire rentrer dans la nuit
Nous avons oublié que Défilé
avait reconstruit un Dessalines déchiquetté
pour l’offrir glorieux à l’éternité
nous avons oublié que nous sommes
d’un désert peuplé par les Divinités du silence

Alors, dites-moi, Haïtiens, Haïtiennes
en votre âme et conscience,
qui donc peut braver le silence
de ces milliers de consciences blasées,
la force de ces milliers de bras qui versent la mort
sans connaître la raison de ces deuils inutiles,
tout en ignorant la douleur des mères
les larmes des épouses et des enfants
Pourtant, vous ignorez inconsciemment
votre vérité d’Homme
dans la griserie des jouissances faciles.
Mais nous qui venons des profondeurs du dépit
nous demandons que soit donné
à notre brûlant désir de comprendre
le droit régalien de chercher à comprendre.

Par JLT