L’INTEGRATION DIRECTE A LA COUR DE CASSATION EST-ELLE PERMISE PAR LA LOI ?

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 La magistrature est une profession. Elle est  un métier. Comme telle, elle donne droit à la carrière. Les magistrats, membres d’un pouvoir de l’État : le pouvoir judiciaire, bénéficient d’un statut particulier. Ce statut est réglementé depuis 2007 par la loi du 27 novembre 2007 portant de la  magistrature. Cette loi vise à règlementer  les modalités d’accès à la magistrature, les modalités pour la promotion ainsi que les obligations et prérogatives attachées à la fonction de magistrat.

 En ce qui attrait aux conditions d’accès à la magistrature, elles sont  traitées à travers les articles 18 à 30 de cette loi. Et, nul part, dans cette loi, il n’est prévu l’intégration directe au niveau de la cour de cassation ; ce qui n’est guère contesté par ceux qui pensent que l’intégration directe au niveau de la cour de cassation est permise. Néanmoins, ces derniers  avancent l’idée  que cette loi ne l’a pas non plus interdit. Et, selon eux, ce qui n’est pas interdit est permis.  Si tel serait les cas,  n’importe quel citoyen pouvait candidater et aspirer à occuper  la fonction de  juge à la cour de cassation. Car, la loi en la matière  ne fait aucune interdiction.  On aurait donc  aucun critère de sélection objectif.  Vous conviendrez avec moi que ce raisonnement n’est pas censé. 

Il faut rappeler que la loi n’a pas la seule vocation à interdire. Elle dispose, elle énonce, elle précise. En ce qui attrait aux conditions d’accès à une fonction, une profession, la loi vise la précision. C’est la raison pour laquelle, elle précise les condition d’accès à la magistrature au niveau des tribunaux de paix, de première instance, à la cour d’appel et non pas à la cour de cassation. Car,  cette possibilité n’est nullement  envisagée.

 En vue d’éveiller le sens aiguë  des lecteurs et lectrices, je soumets ces questions à leur  intention : 

1 Le législateur, selon vous, a-t-il omis de préciser le nombre d’années d’expérience pour l’intégration directe à la cour de cassation alors qu’il l’a clairement précisé   à travers les articles 18 à 30 pour les tribunaux de paix, de première instance et  la cour d’appel ?

 2. Certains avancent qu’il faut appliquer l’article 15 du décret du 22 août 1995 relatif à l’organisation judiciaire pour la nomination des juges à la cour de cassation. Pour votre gouverne, voici la teneur : «  Nul ne peut être juge à la Cour de Cassation s’il ne remplit l’une des conditions suivantes : 1) avoir occupé, pendant sept ans au moins, les fonctions de juge ou d’officier du parquet dans une cour d’appel; 2) avoir exercé la profession d’avocat pendant dix ans au moins[……].» Si tel serait le cas, alors on aurait un avocat qui peut candidater pour la cour de cassation (10 ans d’expérience minimum) alors que ce même candidat n’est pas éligible  pour  être juge à la cour d’appel où il est requis 18 ans d’expérience ? La cour de cassation ne  se situe-t -elle pas au  sommet dans  la hiérarchie de  l’organisation judiciaire ? 

3. Certains, pour étayer ses arguments faisant croire que le texte à appliquer en l’espèce est  l’article 15 du décret du 22 août 1995 relatif à l’organisation judiciaire,  évoquent l’article 68  de la loi  du 27 novembre portant statut de la magistrature qui  dispose :   « En attendant l’installation des Assemblées Départementales et Communales, la procédure de nomination des Juges se fait, après certification, dans les conditions prévues par le Décret du 28 août 1995 relatif à l’Organisation Judiciaire. Les candidats Magistrats aux postes de Juges de troisième et quatrième classe des Tribunaux de Paix peuvent être nommés dans ces fonctions à l’issue d’un stage probatoire organisé par l’EMA. ». La question, quel est le rapport entre cette disposition et la nomination des juges à la cour cassation dans la mesure où ce ne sont pas les assemblées communales ou départementales qui sont appelées à faire la liste mais plutôt le Sénat ?

 4. Si la magistrature est une profession qui ouvre le droit à la carrière, peut-on commencer une carrière au sommet ?

 Pour conclure, je soumets à votre lecture les dispositions de l’article 25 de la loi du 27 novembre 2007 portant statut de la magistrature : « Tout candidat à l’intégration directe dans les fonctions des deuxième, troisième et quatrième grades, adressera une demande au Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire qui examinera si les conditions prévues au présent chapitre sont réunies. Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire transmettra, avec avis motivé, au Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique les noms des candidats admis à l’intégration directe[…………]. »

 Il faut souligner que cette disposition apporte une double précision : 

1. Le candidat à l’intégration directe dans les fonctions des deuxième, troisième et quatrième grades. Notez bien qu’elle  n’a pas mentionné le premier grade, qui est la cour de cassation. 

2.  Le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire qui examinera si les conditions prévues au présent chapitre sont réunies.Il est demandé au CSPJ vérifier si le candidat candidat à l’intégration directe satisfait aux conditions prévues au chapitre II du Titre III de la loi du 27 novembre 2007 portant statut de la magistrature et non au décret du 22 août 1995 relatif à l’organisation judiciaire. 

TOUTE PERSONNE DE BONNE FOI, POURRA COMPRENDRE ET ADMETTRE QUE L’INTEGRATION DIRECTE A LA COUR DE CASSATION N’EST PLUS PERMISE PAR LA LOI. 

Marthel JEAN CLAUDE, Magistrat

President de l’Association Professionnelle des Magistrats (APM)

marthel.jeanclaude@gmail.com

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