Covid-19. Haïti vaccine-toi. Le temps presse.

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Haïti, à ce jour, fait partie de la liste des douze pays qui n’ont pas encore commencé à vacciner leur population dont sept en Afrique (Tanzanie, Madagascar, Burkina Faso, Tchad, Burundi, Centrafrique, Érythrée), trois en Océanie (Vanuatu, Samoa, Kiribati) et un en Asie (Corée du Nord)

Cependant, depuis la troisième semaine du mois de mai, le pays a clairement signifié son intention d’accepter le principe de la vaccination après avoir l’avoir refusé le mois précédent alors que la menace de la pandémie était au plus bas. On sait que les données ont brusquement changé dès le début du mois de mai avec l’apparition d’une flambée, annonciatrice d’une seconde vague épidémique, en effet, soudainement, le nombre de nouveaux cas quotidiens qui était tombé à moins d’une quinzaine en mars et avril 2021 commençait à dépasser quelquefois la trentaine début mai, pour culminer à des sommets avoisinant ou excédant la centaine à partir du 20 mai. Il en était de même pour les cas graves, les hospitalisations et le nombre de décès quotidiens qui, au 21 mai s’était élevé à une quinzaine.

Alors que la promesse a été faite au pays au mois de mai de lui fournir 736 000 doses dans le cadre du Programme COVAX, le Président avait annoncé le lundi 24 mai, à son retour de Guyaquil que deux millions de doses seraient bientôt fournies au pays. Signe que le gouvernement semble vouloir faire feu de tout bois pour accélérer le début de la campagne de vaccination malgré les réticences de la plus grande partie de nos compatriotes. Le temps semble vraiment presser maintenant pour la protection de la population qui ne peut pas compter sur son système sanitaire déjà menacé de saturation avec peut-être un maximum de 400 lits disponibles pour le traitement des malades du Covid-19.

On commencera d’abord par une présentation des différents vaccins actuellement disponibles contre le Covid-19 avant de répondre à deux questions majeures à savoir d’une part, quelles sont les vaccins qui pourraient être utilisés en Haïti et d’autre part, quelles sont les limites auxquelles se heurtera le pays en termes de réussite d’une campagne de vaccination massive.

1. Comment fabrique-t-on les vaccins contre le Covid-19 ?

1.1 Rappel du principe de base de la création des vaccins

Le principe de base de la création de tout vaccin est de faire réagir le système immunitaire en utilisant certaines parties des agents pathogènes (bactéries ou virus).

En clair, le mode d’action des vaccins consiste à entraîner et à préparer le système immunitaire (défenses naturelles de l’organisme) à reconnaître et à combattre les virus ou les bactéries qu’ils ciblent. Ainsi, si l’organisme se trouve par la suite exposé à ces mêmes agents pathogènes, il est immédiatement à même de les détruire, ce qui permet de prévenir la maladie.

Dans le cas de la pandémie actuelle, quelle que soit la technologie mise en œuvre, tous les vaccins ciblent tous la protéine Spike du virus Sars-CoV-2 qui se comporte comme la clé permettant la pénétration cellulaire du virus.

1.2 Des candidats vaccins aux vaccins autorisés

Il faut rappeler que le processus de la mise au point des vaccins est un mécanisme très complexe qui passe par plusieurs stades d’essais, groupés en trois phases, qui durent généralement une vingtaine d’années, mais qui, en raison de l’urgence de la situation, ont pu être réduits à moins de douze mois dans le cas des vaccins contre le Covid-19, moyennant l’injection de fonds substantiels. Au terme de ce processus, on doit aboutir à la démonstration de deux qualités essentielles qui sont leur efficacité et leur innocuité pour les receveurs, deux conditions de leur autorisation de mise sur les marchés délivrée par les instances gouvernementales.

En février 2021, il y avait selon l’OMS, plus de 200 candidats vaccins dont environ une vingtaine a pu aboutir actuellement, au moins de juin 2021. De ce nombre, treize ont reçu le feu vert de l’OMS et peuvent être intégrés dans le programme de distribution aux pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires, le programme COVAX.

1.3 Les technologies utilisées dans la fabrication des vaccins contre le Covid-19

Pour la première fois dans l’histoire de la science, certaines technologies nouvelles ont été utilisées à côté de la technologie classique depuis le temps de Pasteur du vaccin à partir de virus atténués ou inactivés. D’où la diversité des types de vaccins ainsi que de leurs prix et de leur efficacité.

Les vaccins mis au point contre la Covid-19 font appel à quatre technologies :

– la technologie du vaccin à partir de virus atténués ou inactivés (comme les vaccins chinois Sinopharm et Sinopharm et le vaccin indien “COVAXIN”). Il s’agit d’agents infectieux tués, mais capables de susciter une réponse du système immunitaire chez la personne vaccinée.

– La technologie du vaccin à partir de protéines virales. C’est une technologie fondée sur l’existence à sa surface du coronavirus de pointes (“spikes”) ou spicules en français qui vont l’aider à entrer en contact avec les cellules à infecter. Ces pointes ou spikes sont des protéines virales qui peuvent être fabriquées et injectées avec un adjuvant pour faire réagir le système immunitaire. C’est une technologie révolutionnaire utilisée par Sanofi et GSK qui sont maintenant au terme de la préparation de leur vaccin.

– la technologie du vaccin à partir d’ADN ou d’ARNm viral où une séquence génétique du virus (ADN ou ARNm) est injectée et entre à l’intérieur de la cellule humaine qui va l’utiliser pour produire la protéine virale associée afin de faire réagir le système immunitaire. C’est, d’une part, la technologie sur laquelle se sont appuyés entre autres les laboratoires Moderna, Pfizer et CureVac et qui est fondée sur l’exploitation de l’ARN messager et d’autre part, celle qui est mise en œuvre dans la fabrication du vaccin de l’Institut Pasteur qui est en cours. Certains scientifiques soupçonnent ce type de vaccins de modifier le génome humain (patrimoine génétique) et de générer à court ou à moyen terme des accidents graves, voire la mort de chez ceux qui les ont reçus.

– la technologie du vaccin à partir de vecteurs viraux, utilisée par (AstraZeneca, Johnson&Johnson et Spoutnik V) où un virus atténué spécialisé d’origine humaine ou animale, dit adénovirus (responsable notamment du rhume) est utilisé pour véhiculer les éléments nécessaires à la future protection conférée par la ou les protéine(s) d’intérêt et/ou sa ou leurs séquence(s) génétique(s)) jusqu’aux cellules et ainsi les exposer à notre système immunitaire.

1.4. Présentation de quelques-uns des vaccins les plus utilisés actuellement

Actuellement, le vaccin le plus diffusé dans le monde est celui d’AstraZeneca/Oxford qui est administré à ce jour dans 156 pays et territoires sur 207, 75%). Il arrive de loin avant Pfizer/BioNTech (au moins 91 pays, 44%), Moderna (au moins 46 pays, 22%), Sinopharm (au moins 41, 20%), Spoutnik V (au moins 32, 15%) et Sinovac (au moins 21, 10%). D’autres vaccins vont entrer bientôt en scène, dont certains ont été récemment agréés par l’OMS.

1.4.1 Le vaccin d’AstraZeneca

Le vaccin AstraZeneca (récemment nommé Vaxzevria), qui est un vaccin suédo-britannique à adénovirus. Efficace à 60-70 %, il est le moins cher et le plus facile à conserver de tous les vaccins (au réfrigérateur entre 2 et 8°C et après son ouverture moins de 6 heures à une température ambiante de moins de 30°C ou 48 heures au réfrigérateur entre 2° et -8°C. Il est administré aussi bien dans des pays riches que pauvres, notamment grâce à Covax dont il est le principal fournisseur. Sa deuxième injection doit être faite dans les douze semaines après la première injection. Il est recommandé uniquement aux plus de 55 ans. Prix de la vaccination complète par personne : 8 dollars.

1.4.2 Le vaccin de Pfizer-Bio NTech

Le vaccin de Pfizer-Bio NTech, vaccin à ARNm dénommé “COMIRNATY” (BNT162b2, efficace à 90%, est l’un des vaccins les plus efficaces et le second vaccin en termes de diffusion dans le monde et aussi l’un des plus chers. Il se conserve le plus difficilement, parce qu’il exige pendant six mois une température comprise entre -90 °C et -60 °C – ce qui exige de supercongélateurs -ou pendant 5 jours entre 2 °C et 8 °C, ou encore pendant 2 heures à une température maximale de +30 °C. L’intervalle entre les deux injections est de 42 jours. Il est recommandé aux 18-59 ans avec comorbidités/maladies graves et + 60 ans. L’intervalle entre les deux injections est soit de six semaines avec une efficacité de 55% ou de 90 jours pour une efficacité de 81%. Prix de la vaccination complète par personne : 45 dollars.

1.4.3 Le vaccin de Moderna

Le vaccin de Moderna, efficace à 95%, au nom commercial Moderna COVID- 19 ou COVID-19 Vaccine Moderna, également un vaccin à ARNm, se conserve pendant 7 mois entre -25 ° et -15 °C, pendant 30 jours entre 2 ° et 8 °C ou encore pendant 12 heures à une température comprise entre +8 ° et +25 °C. Comme pour le vaccin précédent, la deuxième injection se fait entre 28 et 42 jours après la première. Il est également recommandé aux 18-59 ans avec comorbidités/maladies graves et + 60 ans. Prix de la vaccination complète par personne : 40 dollars.

1.4.4 Le vaccin de Johnson and Johnson

Le vaccin de Johnson and Johnson, efficace à 67%, dénommé Jansen, le seul vaccin à dose unique, se conserve pendant 3 mois au réfrigérateur, ou pendant 6 heures après ouverture au réfrigérateur, ou pendant 7 mois entre -25 ° et -15 °C, pendant 30 jours entre 2 ° et 8 °C, ou encore pendant 12 heures à une température comprise entre +8 ° et +25 °C. Il est de plus en plus utilisé tant aux États-Unis qu’en Europe pour la vaccination des plus jeunes, jusqu’à l’âge de 12 ans. La Food and Drug Administration avait recommandé sa suspension le l3 avril à la suite de cas rares de thrombose, mais sa reprise a été de nouveau autorisée une dizaine de jours après. Prix de la vaccination complète par personne : 10 dollars.

2. Pourquoi la question de la vaccination se pose-t-elle de manière particulière pour Haïti ?

La question de la vaccination de la population haïtienne comme pour l’ensemble du monde a été posée par les instances internationales, en particulier l’OMS, qui ont conçu un schéma de vaccination de la population mondiale afin d’atteindre l’immunité collective, moyennant un taux de vaccination d’au moins 80% pour tous les pays de la planète. Pour rendre ce schéma opérationnel, il a été envisagé de fournir gratuitement des vaccins anti-Covid à 20% de la population des pays à revenus intermédiaires et aux pays à faibles revenus par le biais du Programme COVAX, alimenté essentiellement par les pays riches et par quelques organisations privées. D’où la promesse qui a été faite au départ à Haïti vers décembre 2020 de lui fournir 2,5 millions de doses de vaccins. Le système Covax reste plus large, car la distribution a été étendue à l’ensemble des Etats (190 au total) quel que soit leur niveau de développement. On a vu ce vaccin qui a pénétré le Canada début avril 2021 et la semaine passée l’ile de Taiwan (200 000 doses).

2.1 Le débat autour de la thématique de la vaccination en Haïti

Alors que quinze pays et territoires ont déjà vacciné au moins 60% de la population en première dose (Israël 80%), certains prévoyant de terminer leur campagne de vaccination avant l’autonome comme les États-Unis et plusieurs pays européens, Haïti se trouve dans la même situation que sept États africains qui sont à la traîne pas encore commencé leur campagne de vaccination, le continent n’ayant reçu à ce jour que 1% des doses de vaccins distribués dans le monde.

Deux questions se posent de savoir. D’une part, comment Haïti va-t-il arriver à atteindre l’immunité collective ? D’autre part, dans combien de temps pourra-t-elle couvrir sa population, faute de budget de la part de l’État pour se procurer le précieux sésame ?

2.1.1 Le rejet systématique de la vaccination par toutes les couches sociales en Haïti

On sait qu’à ce jour, malgré la forte remontée depuis un mois du Covid-19, bon nombre d’Haïtiens ne veulent toujours pas entendre parler de la pandémie, encore moins du vaccin qu’ils considèrent dans leur majorité comme un complot conçu par les étrangers pour les éliminer avec la complicité des dirigeants. Même, au sein des autorités sanitaires, certains comme le docteur Ernst Noël, directeur du Programme national de sécurité transfusionnelle s’est montré franchement très réticent envers la vaccination de la population haïtienne. Il avait affirmé en effet le 31 mai 2021 à l’émission Le Point qu’il est encore trop tôt pour envisager de vacciner la population haïtienne. De plus, se basant sur l’argument évoqué par de nombreux virologues et infectiologues, il avait même repris l’argument classique lancé par certains virologues et infectiologues qui « disent qu’on ne vaccine pas en pleine pandémie ».

Nous savons cependant qu’au sein de la communauté scientifique ce débat reste ouvert. Étant donné l’urgence de la situation, on ne doit point fermer la porte à la vaccination, les bénéfices à tirer pour les collectivités étant supérieures aux risques d’attraper la maladie si on reçoit le sérum. Toutefois, les candidats à la vaccination doivent aussi prendre certaines précautions. Pour ne pas contaminer les autres, ils ne doivent pas fréquenter les centres de vaccination s’ils présentent les symptômes de la maladie (par exemple, s’ils souffrent de fièvre, s’ils ont le nez qui coule, s’ils toussent, s’ils ressentent des difficultés respiratoires ou tout autre symptôme connu de la maladie). On peut aussi limiter les dégâts si dans les centres de vaccination on oblige les candidats à la vaccination à respecter les gestes-barrière.

Au total, comme le dit le docteur Christiane Eberhardt des Hôpitaux universitaires de Genève, le risque « le plus grand pendant cette période de coronavirus est de ne pas se faire vacciner ». On a bien vu que la maladie a régressé dans les pays où la vaccination concerne un pourcentage important de leur population. D’ailleurs, la chance aussi quand on se fait vacciner, c’est que l’on ne risque d’attraper par la suite que les formes légères de la maladie.

On n’a pas non plus oublié que le gouvernement haïtien avait crânement rejeté le 6 avril dernier l’offre de l’OMS de 756 000 doses du vaccin AstraZeneca qui devait arriver au mois de mai, « en raison, selon l’Agence de presse espagnole EFE, de l’agitation mondiale qui l’entoure ». La ministre de la Santé avait alors clairement manifeste sa préférence pour le vaccin de Johnson and Johnson, qui se prend d’ailleurs en une seule dose et plus facile à conserver.

2.1.2 Le revirement du gouvernement haïtien depuis la flambée de mai 2021

Finalement, du fait de la flambée inquiétante de la pandémie constatée au mois de mai, le gouvernement est revenu au cours de la troisième semaine du même mois sur son refus au mois d’avril pour demander à l’OMS de lui envoyer le vaccin AstraZeneca. Compte tenu de l’hostilité des Haïtiens envers ce vaccin, le gouvernement avait annoncé qu’il envisageait de placer commande d’autres vaccins pour élargir la gamme de ce type de produits dans le pays.

Parallèlement, des médecins haïtiens comme William Pape, Edson Augustin et Ralph Ternier ont depuis quelque temps ouvertement insisté pour que le gouvernement se lance au plus vite dans une campagne de vaccination, estimant que c’est la seule manière de protéger la population, dans le contexte de l’indigence de nos infrastructures sanitaires et d’accélération de la maladie qui fait tomber au cours des derniers jours de plus en plus de têtes.

A l’heure actuelle, le débat est enflammé par les fake news circulant sur les réseaux sociaux qui font la part belle aux théories anti-vaccins entre autres de l’équipe de Luc Montagnier rappelant que la vaccination serait à l’origine de la création des variants et qui va jusqu’à annoncer la mort dans deux années au maximum de tous ceux qui ont reçu une forme quelconque du vaccin contre le Covid-19. Pourquoi tous ces théories et messages qui relèvent de l’eschatologie comme les anciennes annonces de fin du monde à la fin de chaque siècle au Moyen-Age ?

2.2. Quoi qu’on dise, il apparait nécessaire de vacciner la population haïtienne.

La vaccination de la population haïtienne est nécessaire pour plusieurs raisons, n’en déplaise au grand nombre de contestataires.
La raison la plus objective étant la faiblesse de notre système sanitaire qui, avec un petit nombre de malades, est déjà à la limite de la saturation (peut-être 400 lits disponibles actuellement contre 971 lors de la première vague).

La deuxième raison est l’évidence que la vaccination apparaît de plus en plus comme la seule issue à la situation catastrophique qui sévît depuis plus d’une année dans le monde. En effet, la pandémie a déjà tué à ce jour 3,6 millions d’humains et infecté près de 172 millions de personnes dans tous les continents et dans tous les pays.

Depuis près de deux mois, souffle une lueur d’espoir qui se matérialise par une forte baisse des contaminations ainsi que des hospitalisations et des décès grâce aux vaccins. A preuve, la courbe épidémiologique mondiale a commencé à fléchir sensiblement depuis la fin du mois d’avril 2021 où l’on avait atteint 890 193 cas le 25 avril contre 325 003 le 6 juin. Dans le détail, on peut citer les États-Unis, le pays le plus endeuillé par la pandémie avec près de 700 000 décès et aussi l’un des pays les plus protégés contre le Covid-19 avec près 297 millions de doses de vaccins distribuées depuis décembre 2020). Le nombre de contaminations quotidiennes qui flirtaient avec les 300 000 en janvier 2021 y est désormais tombé autour de 20.000. De même, le nombre de décès quotidiens qui avait culminé à 4 380 le 20 janvier 2021 est tombé ces derniers jours à moins de 700. En conséquence, les Américains totalement vaccinés, sont depuis peu dispensés du port du masque. Il faut ajouter parallèlement que le Covid-19 continue de faire rage dans la moitié de la population non vaccinée dans ce pays.

Dans de nombreuses autres régions du monde, l’épidémie est en recul et on constate depuis quelques jours que certains pays ont affiché zéro décès quotidien comme l’Angleterre le 31 mai et le 6 juin. Idem pour le Mexique, Israël, la Suède et le Danemark le mercredi 2 juin.
2.3 Quelles modalités envisager pour la vaccination de la population haïtienne ?

Il faut tout d’abord rappeler qu’Haïti a toujours entretenu un rapport difficile avec les campagnes de vaccination. Le docteur Lauré Adrien l’avait souligné ouvertement lors du lancement de la Semaine de la vaccination des Amériques qui se déroulait entre le 23 et le 30 avril 2018 en disant que « Haïti est ce pays de la région de l’Amérique et de la Caraïbe qui a la couverture vaccinale la plus faible pendant que nous sommes le pays qui a réalisé le plus de campagnes de vaccination et qu’après tant de campagnes, nous aurions dû avoir une couverture vaccinale un peu plus viable ».

D’ailleurs, en termes de possibilité de réussite d’une campagne vaccinale, la situation s’avère nettement plus difficile de nos jours que par le passé, tant pour la question de la pénétration des certaines zones densément peuplées que sont les quartiers de non-droit que pour les problèmes de conservation des vaccins et pour le transport des fioles également en raison de l’insécurité généralisée dans le pays sans oublier l’hostilité des populations à l’existence de la maladie ainsi qu’à sa prévention.

D’ailleurs, Le Nouvelliste avait rapporté le 20 mai les propos du directeur général de la Santé, Lauré Adrien qui avait affirmé au journal que la logistique n’était pas encore au point pour la campagne de vaccination qui avait dit ceci : « En fait, parlant de logistique, il ne faut pas voir seulement la réception des vaccins, le transport de l’aéroport à l’entrepôt. Il faut aussi considérer la chaîne de froid (constante), le dispatching dans les départements et les opérations de vaccination proprement dites, a poursuivi Dr Adrien, qui évoque la formation du personnel de santé, la mobilisation de seringues, les registres des vaccinés, car les informations doivent être bien recueillies et bien traitées ».

On sait que le pays fait partie des 127 pays et territoires à faibles revenus ou à revenus intermédiaires qui sont éligibles au Programme COVAX. Au départ, vers le mois de décembre 2020, l’OMS lui avait promis 2,5 millions de doses de vaccins pour la protection de 20% de sa population.

Après quelques malentendus, le pays a finalement décidé d’opter pour une campagne de vaccination à l’instar de tous les pays du monde en proie avec la pandémie et aussi sous la pression de certains États voisins comme les Bahamas qui ont suspendu les relations aériennes avec nous. De même, la République dominicaine qui a déjà vacciné 10,6% de sa population (4,46 millions de doses), mais qui voit l’épidémie repartir à la hausse pour cause de taux insuffisant de vaccination fait aussi des misères aux Haïtiens qui arrivent depuis peu sur son territoire pour des raisons de protection contre le Covid-19.

Faute de ressources, il sera difficile à Haïti d’acheter et d’administrer le stock de vaccins nécessaires pour mener à bien sa campagne de vaccination qui pourrait coûter entre 70 et 100 millions de dollars selon le type de vaccin choisi. Cependant, on sait qu’il peut désormais espérer trouver gratuitement une quantité de vaccins supplémentaires, suite au sommet qui s’est tenu la semaine dernière qui a permis de mobiliser « 1,8 milliard de doses entièrement subventionnées qui seront livrées aux pays à faible revenu en 2021 et au début de 2022, ce qui suffira à protéger 30% des adultes de ces pays ».

Mais, de toute évidence, ce différentiel ne devrait pas dépasser au mieux un million de doses, ce qui correspond aux besoins de 500 000 personnes dans l’hypothèse de vaccins à deux doses. Au total, le Programme Covax, s’il aboutit, pourrait permettre de vacciner 1,5 million de nos compatriotes. En complément, le gouvernement haïtien devrait mettre la main au portefeuille pour l’ensemble de la campagne (logistique, achat de seringues, formation, transport, paiement de personnels, etc).

Compte tenu des divers problèmes que nous venons de souligner, on peut en déduire que Haïti accusera beaucoup de retard dans sa campagne de vaccination qui durera sans doute longtemps d’autant que la firme AstraZeneca n’arrive pas à respecter ses engagements de livraison envers les commanditaires.

Conclusion

Début juin 2021, la situation d’Haïti est brusquement devenue préoccupante pour ne pas dire hors de contrôle avec des pics quotidiens dépassant désormais 150 cas, mais encore en-deçà des records de 2020. La proclamation de l’état d’urgence le 24 mai, puis son renouvellement le 31 mai témoignent de la gravité des effets de la pandémie boostée par les variants anglais et brésilien qui ont généré 2 133 nouvelles contaminations et 63 décès dans le pays au mois de mai 2021. Autant d’ingrédients qui annoncent un pic élevé, à peu près exactement en termes de calendrier comme en l’année 2020 où le premier pic avait été enregistré en juin avec 3 831 cas, mais avec le risque d’une plus grande ampleur. La sévérité de la situation n’est pas à démontrer et on pourrait croire que certains de nos compatriotes, dans le contexte de saturation des hôpitaux et de pertes de leurs proches, comprendront enfin la réalité de la menace et accepteront finalement d’être vaccinés. Cependant, compte tenu des difficultés en série que rencontrera de toute évidence la campagne de vaccination contre le Covid-19 – la logistique étant loin d’être encore au point, comme a confié le docteur Lauré Adrien à plusieurs reprises en avril et en mai – il y a lieu de penser que l’on ne pourra administrer le sérum qu’à un pourcentage très moyen de la population. Il sera très difficile d’atteindre en Haïti l’immunité collective comme le souhaite l’ensemble des organismes internationaux.

Par Jean SAINT-VIL
le 3 juin 2021

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