Naissance et déclin de l’empire du Mali

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Il y a plusieurs siècles, Soundiata Keita créa l’empire du Mali, un des plus grands que l’Afrique ait connu

Par Thomas Pagbé

L’Afrique d’aujourd’hui n’en porte plus aucune trace. Seuls sont restés les noms des Rois et les témoignages des voyageurs. Pourtant, il y a des siècles, un membre du clan Malinké, Soundiata Keita, a donné naissance à l’empire du Mali, l’un des plus grands que le continent ait connu. A son apogée, le territoire impérial occupe le Sénégal, le Mali et le Ghana actuels.

Naissance d’un empire

« De même que Dieu a offert la Terre aux Hommes, Dieu a offert l’Afrique aux Européens ». Ces termes, à peu de chose près, sont ceux de Victor Hugo. Ils reflètent de manière claire l’image arriérée qu’a pu être celle du continent africain. Un tel point de vue de la part d’un homme éclairé comme Victor Hugo laisse augurer du pire en ce qui concerne les Français « lambda ». Pour la plupart, il n’existe aucune trace de civilisation policée sur le continent africain. Pour une très grande partie des Français, l’Histoire de l’Afrique débute au moment de la colonisation européenne. Ils ont tort.

L’Afrique a connu l’une des civilisations les plus glorieuses de l’histoire de l’humanité : l’empire du Mali. Il est difficile de nommer avec exactitude les éléments qui ont permis la naissance de l’empire. Néanmoins, certains faits ont bien contribué à sa création. Un métissage culturel est né de la rencontre entre les guerriers du désert, les agriculteurs et les peulhs transhumants. La localisation précise de cette rencontre a permis la constitution de villages au Néolithique.

Dans ce contexte, un important brassage intercommunautaire et interethnique s’est produit. Sur ce terreau fertile est né l’empire du Ghana. Les apports extérieurs tels que l’islam et l’Ecriture apportés par les Arabes ont consolidé et fortifié l’empire naissant. L’empire du Ghana devient la première fédération de royaumes centralisée et organisée. L’empire du Mali est l’héritier direct de cette civilisation.

Jusqu’au XIème siècle, la région du Manding, au sud-ouest de l’actuelle Bamako, est dirigée par trois clans Malinkés : les Camara, les Condé et les Keita. Ce dernier clan soumet les deux précédents. Les Keita marquent leur différence par deux actes majeurs : ils se convertissent à l’islam et surtout, refusent toute obéissance à l’empire du Ghana. Au XIIème siècle, Naré Maghann Konaté, roi du Manding et père de Soundiata Keita, cherche une alliance avec les royaumes voisins pour contrer les raids des nomades du Sahara.

Le véritable essor du Mali s’effectue un siècle plus tard. A la même époque, au Nord, Soumaoro Kanté, roi du Sosso, réduit à l’obéissance les états voisins. Le souverain du Nord ne fait plus de secret sur les projets qu’il entretient. Il souhaite la soumission du Mali. En 1230, le nouveau roi du Mali organise une armée de 10 000 cavaliers et 100 000 fantassins. En 1235 et après plusieurs batailles, Soundiata Keita défait Soumaoro Kanté Kirina. A partir de ce moment, plus rien n’arrête les conquêtes de Soundiata Keita. Il conquiert tous les royaumes du Mali qu’il unifie pour former l’empire du Mali. Le souverain de la province du Mali devient « Mansa », Roi des Rois. Jusqu’à sa mort en 1255, l’Empire connaît une époque de paix et de prospérité.

Diriger un empire

Soundiata Keita établit sa capitale, Niani, à la frontière actuelle du Mali et de la Guinée. Pour maintenir l’unité et le bon fonctionnement du territoire l’empereur édicte des règles. Le « principe de gouvernance » pour reprendre l’expression de l’encyclopédie Universalis ne diffère pas beaucoup de celle de l’empire du Ghana. Soundiata adapte sa gouvernance à son époque. Il respecte la pluralité et la diversité de chacune des ethnies qui composent le territoire. Il opère de profondes mutations sociales.

L’empereur malien institue différentes classes sociales : les nobles, différentes classes d’hommes libres et des dépendants. Plus tard, au XVème siècle, marchands et lettrés viennent étoffer le tissu social et combler le fossé entre la noblesse et les classes inférieures. Le pouvoir politique est largement décentralisé. Cette décentralisation est le fait de Ko Madi, l’aîné des fils de Soundiata Keita. Au centre se trouve une zone soumise à l’administration directe du Roi. Le reste du territoire impérial est divisé en plusieurs provinces. A la tête de chaque province se trouve un Diamanatigui ou Farba. Ce personnage fait office de gouverneur de province.

Les provinces elles-mêmes sont divisées en cantons et en villages. Au sein du village, l’autorité est hiérarchisée. Un chef politique, parfois doublé d’un chef religieux, administre la communauté villageoise. Le Farba, garant de l’autorité du Roi supervise l’autorité des chefs villageois et relaie l’autorité de l’empereur. Le Farba prélève le tribut destiné à l’empereur et est même habilité à mobiliser des hommes en cas de guerre. A la périphérie de l’empire se trouvent différents royaumes. Ces derniers ne sont pas liés à l’administration centrale. En revanche, ils reconnaissent l’hégémonie de l’empire en envoyant des tribus régulièrement. L’empire du Mali est bien régulé. Les souverains du Mali ont bâti un système économique et social efficace qui ne lèse aucune des ethnies qui composent l’empire.

Le célèbre voyageur arabe Ibn Battuta a loué au XIVème siècle l’excellente administration de l’empire. Selon l’auteur, la sécurité de tous est assurée et le sens de la morale du souverain est tel que toute injustice, même la moindre, est châtiée avec la plus grande sévérité. De plus, l’auteur souligne la grande religiosité de la population qui se rend en grand nombre, tous les vendredi à la mosquée.

Les voyageurs occidentaux qui se rendent au Mali font le même constat, l’empire du Mali n’a rien à envier aux plus puissantes monarchies européennes. La puissance de l’empire malien repose en grande partie sur les grandes ressources aurifères de la région. Cet or permet aux Mansa, les empereurs maliens, d’assurer et de conforter leur politique expansionniste. La prospérité de l’empire repose aussi sur le commerce trans-saharien du cuivre, du sel et des étoffes. Au XIVème siècle l’empire atteint son apogée.

L’empire influe sur la destinée des peuples de la savane environnante, de l’Atlantique jusqu’en pays haoussa. Seuls les Dogons et les Mossi restent indépendants. En 1324, le Mansa Moussa (1312-1337) effectue un pèlerinage très remarqué à la Mecque. Les auteurs arabes racontent que durant son pèlerinage, le souverain emmène des milliers de serviteurs et d’esclaves. De plus, il emmène avec lui et dépense des dizaines de tonnes d’or. Un quantité d’or qui fait baissé le cours de l’or au Caire durant des années. Le Mansa ramène avec lui des érudits, des artistes et des commerçants.

Ces derniers contribuent à la création d’un lien fort entre le Mali et l’Egypte. L’un des érudits qui accompagnent le souverain se nomme Abu-Isack-es Saheli. L’homme, originaire de la ville de Grenade, est l’architecte de la Mosquée de Tombouctou. Cette dernière, ainsi que Dao et Djenné deviennent de grands centres culturels et économiques à l’apogée de l’empire.

La fin de l’empire

Après le règne du Roi Moussa, l’empire vacille. Du successeur de Moussa, Mansa Souleymane qui règne de 1341 à 1360 environ, on sait peu de choses. La décadence de l’empire commence par ce dernier. Suivent les règnes de Mansa Maghan et de Moussa II, son fils. Mansa Maghan (1360-1374) écrase le peuple sous une multitude d’impôt et dépense sans compter les ressources de l’Etat. Moussa II tente d’inverser la tendance, mais il n’y arrive pas. Le pouvoir appartient à son grand vizir. A la fin du règne de Moussa II, l’empire se décompose, des états tels que le Songhaï se déclarent indépendants. Les Mossi et les Touaregs envahissent l’Est du pays, réduisant le territoire du défunt empire. A la fin du XVIIème siècle, l’empire du Mali, naguère puissant, n’existe plus.

Publié: 13/02/2007
Source: https://www.grioo.com/info9274.html

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