LE MORATOIRE….

Par J.L.T.
À Joujou Guignard Casséus,
Alix Jeanty
Anne-Marie Jhon
Patrick Lahens
Harry Loiseau
C’est de cette façon que finit toute saison de turbulences: dans le calme plat qui rend l’atmosphère socio-politique plus pesante qu’on ne le croirait au prime abord. Bien limité dans ses vues, on ne saurait ne pas se demander s’il s’installe définitivement ou s’il ne précède pas une vague de tempêtes les unes aussi dévastatrices que les autres ou cet automne chaud dont parlait un confrère de la presse parlée. Dans ce contexte marqué par les incertitudes, il est plus que temps de s’interroger les dispositions d’une prochaine Charte fondamentale qui mettra fin à cette maladie terrible dont souffre le pays.
L’essentiel toutefois réside beaucoup plus loin, au-delà du besoin d’une Constitution stable, que ressent le pays, voire la sociéte haïtienne peureuse, tremblotante et angoissée face à tant de déclarations empressées de candidatures (220) qui ne vont pas sans provoquer quelque désarroi au niveau des consciences. Il nous aura fallu pas très longtemps mesurer l’honneur et la répression dont est capable le pouvoir des dix braqueurs accrochés à leurs privilèges. Il aura fallu tout aussi bien les jours qui s’en suivront pour mesurer l’ampleur de la réaction populaire qui n’aura d’autre explication que l’effort du gouvernement de maintenir la nation dans un état d’abêtissement total aux fins de satisfaire leurs besoins.
Il demeurera alors entendu que les manifestants se réuniront en grande partie dans cette masse silencieuse, cette sempiternelle classe des parias que l’on embrigade tous les jours avec force chants de sirène sous des bannières électoralistes. Mais une fois clôturées les campagnes, vite oubliées les promesses mirobolantes et écartés les programmes qui faisaient l’arrogance de l’idéal. Pardon 2025 n’est pas1957. Le peuple pouvait se grouper bien docilement derrière un homme qui se réclamait de Dumarsais Estimé dont l’expérience du pouvoir a été brusquement interrompue par le pronunciamento du Général Paul Magloire. Pourtant, la petite histoire dit que François Duvalier, l’homme d’airain se réclamait plutôt de Calixte. Que ne dirait-elle pas, cette histoire, lieu d’une certaine vérité matinée d’affabulations séduisantes ?
2025, personne ne peut se réclamer du Duvaliérisme dont on connaît le bien misérable bilan qu’il faudrait mettre au compte de la discordance, de la totale inadéquation entre la théorie et la pratique. Entre celle-ci et celle-là, un océan aussi profond qu’immense. Pour répéter un confrère de la Presse Française parlant de la gestion de Valéry Giscard d’Estaing” Avant 1957, le pays haïtien vivait au bord d’un gouffre, avec les Duvalier, il a fait un pas en avant”. La répression, timide sous Paul Magloire, est tout bonnement institutionnalisée pour s’ériger en terrorisme d’État. Et sous le signe de l’unité nationale si chère à Papa Doc, les familles sont divisées: les proches parents se dénoncent, les pères se méfient de leurs fils et ceux-ci de leurs mères. Les belles vertus inculquées à l’école et qui rendaient les professeurs et les élèves si distants et si rapprochés les uns des autres avaient simplement volatilisé pour laisser la place à l’arrogance et à l’insolence dictées par la détention de l’arme à feu.
D’une date à l’autre les mentalités ont changé dans le sens positif. À ce compte, il n’est plus sans intérêt de rappeler que les manifestants toutes les fois que l’on met l’accent sur leur moyenne d’âge, n’ont pas connu la violence de la répression duvaliériste.  Si oui, traumatisés, ils ne se seraient pas constitués en fer de lance capable d’affronter la mitraille jeanclaudiste. Il n’est pas sans intérêt non plus de souligner que l’opposition, en glanant dans le champ politico- économique  aménagé et ensemencé par le gouvernement,  a trouvé des raisons de chavirer le pouvoir. Sur ce comportement des populations depuis la glorieuse du 7 Février,  on a beaucoup glosé. On a vite trouvé des vertus au peuple haïtien  que l’absence d’éducation ne prédisposait aucunement  à jouer le rôle de chambardeur et à le mener jusqu’au bout.  On le dit mature. Ce serait tant mieux  car il sait et saura s’arrêter à temps et là où il faut. Le danger serait alors qu’il soit plutôt manipulé par des politiciens professionnels  cherchant, à créer un chaos profitable à la prise de pouvoir. Il s’ensuirait alors l’obligation de le garder pour éviter le pire comme cela s’est passé aux lendemains du 22 Septembre 1957. Ce ne sont que des raisonnements ou mieux des hypothèses  que l’on
souhaiterait tout de même irréalisables.
Tout de même,  mature ou manipulée, la population- on le suppose toujours, n’avait fait qu’accorder un répit à la junte militaire, le temps pour celle-ci  de poser des actes concrets et positifs qui permettaient aux partis concernés de retrouver cet état de grâce, cette lune de miel en prélude aux prochaines élections. Le CNG d’alors avait-il mis à profit le miratoire? Les arrivées à un rythme précipité, des présidentiables qui ont eu jusque là la pudeur de ne pas se déclarer étaient un signe évident qui ne trompait pas sur le caractère des prochaines joutes électorales en regard de l’impréparation du peuple haïtien.  Toutes les questions étaient alors permises en référence à cette situation : les candidats d’ici qui avaient fait de la prison ou affrontés toutes sortes de danger accepteraient-ils de se laisser supplanter par les”arrivés”?
Qui votera-t-on?
En vérité, c’étaient des interrogations  préoccupantes qui laissaient la conscience nationale un peu perplexe sur l’avenir du pays. Tout dépendait de l’habileté des hommes en place et de leur possibilité à profiter du moratoire.






