Le Sens

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TRiboLAND

par Olivier Field

La question est certainement ancienne et a dû agiter les méninges des philosophes grecs et autres. Regardant un très vieux film (1958), «Le salon de musique» de Satyajit Ray, elle m’est revenue à l’esprit. Le cinéaste Bengali décrit les transformations de ce monde indien post-indépendance, où les structures évoluent du fait de l’apparition d’une classe bourgeoise, avide de promotion sociale, qui supplante les potentats locaux, perdus dans leur douce apathie, leurs certitudes dans l’immuabilité et leur monde. Un Guépard… indien. Décrivant un seigneur humaniste, proche de sa population d’obligés, de droit divin en quelque sorte, le film déroule sa fin programmée, la perte de ses prérogatives héréditaires, de ses terres, son capital puis de sa famille, et de son héritier pour achever la déconfiture… Seul refuge, conserver un semblant d’apparat et une prédilection pour la musique traditionnelle sublimée dans des concerts qu’il fait donner dans son salon de musique.

Au final, l’homme perd tout ce qu’il a, et garde tout ce qu’il est. Et nous, que voulons-nous?

Il paraît certain que nos sociétés semblent bâties pour glorifier l’avoir, supplantant l’être. Comment blâmer cependant nos envies de confort, notre besoin de sécurité matérielle ? Tout le discours de nos médias sert une société de consommation et valoriser le beau, le bon, le partagé est très accessoire. Tout est à l’aune de combien ! La radio se fera l’écho d’une «prise de 200 kg de cocaïne… d’une valeur de 3.4 millions d’euros»! Parler des vies foudroyées, du crime induit est moins excitant que le rêve façon Euromillions offert aux auditeurs.

Ce débat est vicié également par la fausse incitation aux jeunes générations à concevoir la vie comme une succession d’interdits portée par l’évident besoin de sauver des vies, sauver la planète, sauver les libertés, absolument, sauver la démocratie, sauver la République, etc.. Bon, cette jeunesse munie de Bac+3 à Bac+8, a besoin de ces narratifs pour endurer le vide souvent astral de leurs vies professionnelles et la constatation que leur patrimoine, outre ces diplômes que personne n’envie plus, se limite à leur jeunesse… actuelle. Alors la tentation est forte de se focaliser sur garder ce qu’on a. Très humain, non ? Et un peu diabolique si on reprend les Évangiles : De quoi manger, du pain sans travailler, juste en regardant les pierres…

Être protégé de tout, quoi que l’on fasse, même se jeter dans le vide…

Et pour finir Posséder, tout posséder si on se soumet… Et Dieu sait que nous nous couchons !

Rudement tentant.

Mais sur le chemin, il faut se débarrasser de nos valeurs humaines de base, l’amour familial, l’engagement auprès de nos proches, l’empathie pour nos frères humains et le vrai respect de ce que la Nature nous apporte. Et la sincérité ! Je n’ai jamais pu comprendre comment l’insincérité (ou la mauvaise foi) peut être si prégnante dans les comportements de groupes, de communautés. Du petit exemple du supporter d’une équipe de foot qui ne verra jamais la faute d’un joueur si il est de sa paroisse, jusqu’à l’ultime, la communauté juive. Pour la quasi-totalité des juifs, la vérité, les faits, l’évidence et même la morale disparaissent automatiquement et sans espoir de rappel quand la communauté est impliquée. La blague d’Attali sur les deux juifs argentins installés sur un banc et commentant les résultats du match de foot Brésil-Mexique, dont l’un demande : «c’est bon pour nous, les juifs ?» est douce. Mais quand un homme massacre sur un parking à coup de batte de baseball un enfant, le cœur d’un juif se soulève de dégoût, il crie et appelle à l’aide, intervient peut être… puis si il apprend que le «sportif» est juif et l’enfant non-juif… alors il s’agit certainement d’auto-défense, l’enfant aurait proféré des paroles antisémites, la situation nécessite réflexion, etc.. Par quel biais en sont-ils arrivés à ce déni d’humanité basique ? Personne n’imagine une éducation totalement tournée vers le mensonge, le mépris du goy, la certitude d’une exemption élective de la masse humaine… Ou alors il s’agit de consolider son appartenance à une population spéciale, tellement spéciale qu’elle est opprimée, forcément opprimée. Justifiant tous les comportements les plus fous, les moins humains.

Gaza et son cortège de hontes pour nous tous est emblématique de ces réactions pathologiques. Quel florilège d’horreurs n’avons-nous pas lues ou entendues ? Combien, par conformisme, par crainte, par intérêt pour leur bonne situation sociale et leur statut, participent à cette distorsion ignoble et lâche ?

Bon cette constatation, au final, n’est qu’une x-ième preuve d’antisémitisme bien sûr.

Aujourd’hui l’homme perd tout ce qu’il est, et s’efforce de garder tout ce qu’il a.

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