Origine et histoire des perles en Afrique

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Vers 2 400 avant Jésus Christ, les Égyptiens produisaient déjà des perles en pâte de verre. Dans l’Egypte antique, les bijoux les plus recherchés étaient en pierres, la serpentine, l’agate, la turquoise, le lapis-lazuli et autres pierres semi-précieuses étaient utilisées comme des perles. Plus tard, le travail de la silice permettra de produire des perles moins coûteuses que les pierres et d’en maîtriser formes et couleurs.

Pour colorer les perles, les premiers artisans verriers utilisaient alors de l’oxyde de cuivre permettant d’obtenir des coloration bleu turquoise, ou encore de l’oxyde de manganèse permettant d’obtenir des nuances violettes ou noires imitant l’améthyste ou l’agate. Les techniques de production en quantité remonteraient à quelques 2 200 ans avant notre ère.

Certains artisans perpétuent les techniques anciennes pour fabriquer des perles d’excellentes qualité : la pâte d’argile teinte avec des colorants à base de terre est étirée autour de tiges pour former des tubes débités en petits morceaux mis à sécher sur des plateaux. Une fois qu’ils sont sec, on retire la tige puis on cuit les perles sur des plaques métalliques. Cette méthode de fabrication tire parti des ressources locales en faisant uniquement appel au savoir-faire des artisans. Ces perles permettent des compositions proches de celles représentées sur les fresques des tombeaux Égyptiens.

L’histoire des perles des Massaïs

Les Massaïs sont des pasteurs nomades établis entre le Kenya et la Tanzanie. Leur haute stature leur permet d’arborer des tenues toujours très riches : bijoux, peaux d’animaux, coiffes imposantes…, qui témoignent de leur courage, de leur statut ou de leurs victoires. Depuis le XVIIIème siècle, les femmes massaïs fabriquent des bijoux particulièrement colorés à partir de perles de troc.

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Les broderies de perles des peuples nomades se reconnaissent aux languettes de cuir rigide, d’aluminium ou d’os, intercalées entre les rangs de perles dans les colliers, ou aux morceaux de cuir qui servent de support aux mosaïques géométriques des lourdes boucles d’oreilles portées uniquement par les femmes mariées. Chaque couleur possède un sens : le bleu par exemple évoque Dieu et le Ciel, le vert évoque la paix et la végétation. Les premiers ouvrages n’utilisaient pas les perles jaune et orange, qui n’ont fait leur apparition que bien plus tard.

Les Massaïs ont maintenus leurs traditions. Au cours de leur vie, les hommes franchissent des étapes différentes, marquées par des cérémonies grandioses au cours desquelles ils portent de magnifiques parures : chemise brodées, manches de couteau, gourdes, tabatières, etc. Lors de ces cérémonies, les femmes portent également une accumulation de parures de perles indiquant leur rang, leur âge et leur clan.

L’histoire des perles du Kenya

Le Kenya s’est particulièrement spécialisé dans l’exploitation de deux sortes de perles : les perles anciennes en oeuf d’autruche et les perles modernes en os teint.

Les perles en oeuf d’autruche sont connues au Kenya depuis fort longtemps : la coquille est débitée en petits fragments, que l’on perce pour les enfiler et les polir ensemble pour leur donner la même forme. Elles sont utilisées aussi bien en bijoux que cousues sur des vêtements ou tissées. Elles embellissaient les capes et les jupes de cuir, et associées aux cauris sur les tabliers pubiens, elles étaient emblème de fertilité. Des cercles de perles sur les capes des jeunes filles indiquaient leur célibat, leurs jupes étant ornées de coquilles.

La plupart des perles d’os décorées proviennent aussi du Kenya, où elles sont fabriquées à partir d’os de gros bétail : les os sont mis à bouillir pour être plus facilement débarrassées de tout reste de chair, blanchis, puis coupés en bandes et enfin en morceaux de la taille des perles. Le trou central est comblé par une rondelle de bois percée qui permet un enfilage stable. Glissées sur des tiges rigides, les perles sont meulées au tour jusqu’à ce que leur surface soit suffisamment lisse pour y appliquer de la cire à batik en dessins géométriques reprenant des motifs traditionnels. Les perles sont ensuite teintes en noir, puis, lorsque la teinture est bien sèche, la cire est grattées pour laisser apparaître l’os clair et nu. Les perles sont de nouveau polies avant d’être enfilées….

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L’histoire des routes commerciales des perles en Afrique

L’Afrique est un continent de contrastes : sa végétation varie des forêts équatoriales aux déserts rides, des hautes montagnes à la savane. Les peuples, eux aussi, sont très différents, allant des tribus de chasseurs aux sociétés les plus évoluées.

Malgré les barrières naturelles que constituent les déserts et la jungle, des routes commerciales intérieures et côtières ont de tout temps reliés ces territoires qui auraient pu sans cela rester fortement isolés.

Déjà en 2300 avant Jésus Christ; l’Egypte faisait du commerce à partir des ports de la mer Rouge et par voie terrestre jusqu’à l’Afrique de l’Ouest et au sud du Soudan pour y récupérer de l’or.

Les Phéniciens établirent des comptoirs sur la Méditerranée, où ils fabriquaient et vendaient des perles. Les Berbères, partant du nord-ouest de l’Afrique, ouvrirent des routes commerciales à travers le Sahara vers le Soudan, le Maroc, la Tunisie et la Libye. Lorsque les Romains envahirent l’Afrique, ils prirent le contrôle des routes commerciales et introduisirent le chameau chez les Berbères, ce qui les aida à étendre leur réseau d’échanges. Avec la conquête du Maghreb par les Arabes en 705 et l’essor de l’islam, le commerce ce propagea dans toute la région, puis de l’Espagne à l’extrême sud du Mali.

Au milieu du XVème siècle, l’actuel Mali étendit son influence dans la savane, le fleuve Niger servant de moyen de transport. Les perles indiennes et les cauris, traversèrent alors le Sahara depuis la côte orientale.

Pendant près de 2 000 ans, les marchands arabes et indiens ont pratiqué le troc sur la côte orientale de l’Afrique. Au cours de la période romaine, les perles de verre du Bassin méditerranéen arrivèrent en Chine et en Corée. Les perles de verre du sud de l’Inde devinrent l’article de négoce le plus important dans la zone du Pacifique. Au Moyen-Age, l’islam propagea sa doctrine et son commerce jusqu’au Pakistan, vendant et échangeant des perles de différentes provenances dans toute la région. Des perles de verre et de céramique venant de Perse furent importées en Afrique orientale puis occidentale à parti du IXème siècle. Les vents de l’océan Indien, alizés et vents de la mousson qui soufflaient en sens contraire, permettaient aux navires de faire le voyage dans les deux sens chaque année.

Dans le sud de l’Afrique, malgré la navigation dangereuse, le commerce des perles, échangées contre de l’or, se développa fortement. Les marchandises entraient en Afrique par les ports puis pénétraient à l’intérieur grâce aux populations qui les revendaient. Le croisement de toutes ces routes, aussi bien terrestres que maritimes, tout autour de l’Afrique, explique la dispersion des perles à travers tout le continent.

Au XVIème siècle, les européens commencèrent à parcourir la côte occidentale de l’Afrique. Les Portugais furent les premiers. Ils voulaient ravir le marché de l’or aux Arabes et trouver une route maritime vers les Indes. Bientôt rejoint par les Français, les Hollandais, les Allemands et les Anglais, ils établirent des forts commerciaux le long de la côte, dans lesquels ils apportèrent des produits manufacturés, dont les perles.

L’histoire des perles des zoulous

Le royaume zoulou, qui s’étend au nord-est de la côte australe de l’Afrique, fut fondé au début du XIXème siècle par le roi Shaka. Poursuivant l’œuvre de ses prédécesseurs, il réussit à rassembler les tribus éparses en une nation forte pour lutter contre le colonialisme européen.

Les perles de troc affluèrent régulièrement dans la région. Pendant des siècles, les commerçants arabes pratiquèrent le troc le long de la côte orientale jusqu’à la baie du Delagoa, échangeant des perles de verre provenant de l’Inde, d’Egypte et de Syrie contre des esclaves, de l’ivoire et de l’or. Des routes terrestres furent ouvertes par les indigènes pour distribuer les marchandises.

Parallèlement les Portugais, puis les Hollandais et les Britanniques cherchaient vers l’ouest des routes maritimes pour le commerce des épices. Ils échangeaient des perles et diverses marchandises contre de la nourriture fraîche pour les équipages.

Arrivant aussi bien de l’est que de l’ouest, les perles ont largement “envahi” tout le sud de l’Afrique. Le roi Shaka les appréciait tant qu’il décréta un droit de péremption sur tout nouveau modèle de perles importé. Toutes les perles lui étaient livrées avant qu’il les distribue pour récompenser ses soldats ou bien pour honorer certaines de ses favorites. Il exerçait un contrôle strict sur tout le travail des perles, aussi bien au niveau du style, des motifs que du choix des couleurs.

Les perles n’étaient pas seulement des objets de parure, mais aussi des décorations honorifiques qui marquaient le rang social et indiquaient les mérites des personnes qui les portaient.

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Les zoulous ont inventés un véritable langage des perles pour transmettre différents messages, chaque couleur ayant une signification : le blanc désigne la pureté de l’amour, le noir la nuit, le rose la pauvreté, le vert la fertilité, le bleu le ciel… Certaines perles indiquaient également l’âge, le sexe, la situation familiale, le statut, etc., de celui qui les portait. Disposées selon un code dans les objets familiers, elles transmettaient de véritables messages. Les plus fameux étaient les petits panneaux accrochés au collier, réalisés par les jeunes filles qui les offraient ensuite à l’élu de leur cœur. Le garçon offrait des perles en vrac au amies de la jeune fille, l’objet finit transmettait un message codé par la disposition, les couleurs et la nature des perles. Vers le milieu du XIXème siècle, les perles devinrent ainsi essentiellement un moyen de communication entre les amoureux. Les différentes techniques de broderie étaient élaborées à la cour par les femmes et les jeunes filles qui les diffusaient dans tout le royaume lorsqu’elles partaient s’installer dans d’autres après leur mariage.

Ce n’est qu’à la disparition des rois zoulous t sous l’influence des Européens que le travail des perles se diversifia, chaque tribu pouvant alors laisser libre cours à sa créativité.

De nos jours, la tradition des ouvrages en perles est toujours très vivace, particulièrement dans les uniformes de danse ou pour des manifestations où le costume traditionnel est de rigueur. D’autres part, les ornements de perles sont une source non négligeable de revenus pour les femmes qui les ont réalisés et les vendent au cours de ces manifestations…

L’histoire des perles de Ndébélés

Le territoire des Ndéblés, proche de celui des Zoulous, est situé à cheval sur le nord de l’Afrique du Sud et le ZimbabweLes femmes sont réputées pour les anneaux qu’elles portent aux chevilles et au cou, qui indique leur condition de femme mariée.

L’histoire des Ndébélés est liée à la résistance aux Boers et aux déportations sous le régime de l’apartheid en Afrique du Sud. Cela à renforcé l’attachement aux traditions et à toutes les formes d’autonomie, dont les femmes sont les principales garantes. Ce sont elles qui décorent les habitations de magnifiques fresques géométriques très colorées, dont on retrouve les motifs dans les pagnes et les colliers tressés ou brodées qui les ont rendues célèbres. Les petites perles sont cousues sur des peaux de chèvres ou sur de la toile, en motif géométriques semblables aux peintures qui ornent les maisons. Tandis que les garçons s’exilent dans la montagne après la circoncision, les filles sont initiées à la peinture et au travail des perles.

Les pièces traditionnelles se caractérisent par de très larges surfaces de perles blanches, parsemées de petits motifs géométriques de couleur. Les ouvrages de perles possèdent une fonction sociale, correspondent à des types très précis de parure et la façon de les porter est fonctions des différentes étapes de la vie des femmes. Ainsi, un tablier à franges perlées identifie une jeune fille, celui d’une adolescente est constitué de cuir ou de toile ornée de motifs géométriques symbolisant son passage de l’adolescence à l’âge adulte, tandis que les tabliers des femmes mariées sont agrémentés d’une frange centrale et de rectangles latéraux.

Pour certaines cérémonies, les jeunes femmes Ndébélés ornent leur cou et leurs chevilles de larges bracelets de perles dans le but de susciter les demandes en mariage et de souligner leur beauté.

Pour le mariage, la jeune mariée porte un tablier rituel à cinq doigts, caractéristique de cette culture, et une cape entièrement recouverte de perles, ainsi qu’un voile de perles qui traîne jusqu’au sol.

Un autre élément du costume traditionnel est un tablier dorsal porté par les femmes d’âge mûr. Il est formé d’une pièce de cuir suspendu à un épais rouleau d’herbes tapissé de perles, sous lequel se trouve un panneau horizontal de perles. A l’occasion des mariages, les Ndébélés fabriquent également des poupées de la fertilité afin de symboliser la perpétuation de leurs valeurs traditionnelles. Ces poupées sont faites d’un cône composé d’anneaux superposés évoquant les bracelets rituels traditionnels.

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Les Ndébélés ont su parfaitement adapter les techniques de leur artisanat à la vie contemporaine en incluant des motifs abstraits et géométriques, faisant référence à la vie quotidienne. L’artisanat très riche des Ndébélés, dont celui des perles notamment, a toujours intéressé collectionneurs et musées. Le graphisme de leurs motifs se retrouve dans différents secteurs : haute couture, publicité, etc. De nombreux objets provenant d’Afrique du Sud permettent à tous, à travers le monde sans même peut-être le savoir, de connaître et d’apprécier certains éléments de la culture Ndébélé. Une très riche tradition, maintenue et sans cesse adaptée par les femmes, garantit la pérennité de ce savoir-faire.

SOURCE: http://darlaxav.canalblog.com/archives/histoires_de_perles_et_autres___/index.html

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