« Le faire-semblant »

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Simuler, mentir, c’est tromper, rouler, duper et même nuire, mais en faisant semblant de dire sincèrement toute la vérité. Les conséquences d’un mensonge peuvent varier d’un fait anodin et cocasse à la mise à mort dépendamment du contexte ou de l’importance des intérêts en jeu.

L’humanité en a fait l’expérience depuis la nuit des temps, ce qui explique l’emphase, et ce, dans toutes les cultures qui est mise à enseigner dès le plus jeune âge à ne point mentir. On ne parviendra peut-être jamais à extirper de nos mœurs cet irrésistible penchant des uns et des autres à fignoler de temps en temps et pour une raison ou une autre, la vérité des faits. Qu’à cela ne tienne, encore faut-il toujours persister à proscrire cette ignoble pratique qui semble inhérente à la nature humaine et qui s’est toujours trouvée aux antipodes de la vérité

Rien de vraiment valable ne saurait se réaliser en dehors des prescrits de la morale et l’une des premières leçons de cette science, c’est d’être, autant que faire se peut, honnête avec soi-même et avec les autres. Pourtant il arrive aux prédicateurs, aux leaders communautaires et aux politiques eux-mêmes de sombrer dans ce malheureux travers.

L’on comprendra que les autres qui attendent que l’exemple vienne d’en haut soient sceptiques et trop souvent réfractaires à leurs enseignements. En politique comme ailleurs, la bonne volonté, la probité intellectuelle, le sens aigu de l’innovation sont entre autres les règles fondamentales de toutes démarches susceptibles d’améliorer les conditions de vie de l’ensemble de la population.

Nos décideurs semblent avoir fait leur deuil de ces principes élémentaires, et ce, depuis plusieurs décennies, d’où cette détérioration accélérée de la problématique haïtienne. Le poisson pourrit par la tête dit le vieux proverbe et cela se répète constamment au pays sans effectuer le moindre changement dans nos comportements. À croire que les beaux discours et analyses ne sauraient suffire à faire renverser la vapeur. Ce n’est certes pas en nous gargarisant de terminologies ronflantes et apparemment savantes que nous allons relever le défi qui nous attend depuis plus d’un demi siècle.

Nous attendons tout de la communauté internationale qui avoue être incapable de réaliser des miracles. Ses représentants n’ont pas à consentir les sacrifices qui nous répugnent, ils n’ont pas à risquer leurs vies à notre place alors que notre nouvelle devise est depuis quelque temps déjà : « Pitô nou lèd nou là »!

Tous ensemble, main dans la main nous le pouvons. En effet, le miracle haïtien est encore possible, mais ce n’est certes pas l’affaire d’une personne ou d’un petit groupe. La preuve est faite que les exercices du « m’as-tu vu » n’ont servi à rien. Il est donc impérieux que nous mettions de côté nos intérêts personnels et mesquins pour difficile que cela puisse paraître dans le contexte haïtien afin d’amorcer la remontée lente mais sûre et de rejoindre le concert des nations dites civilisées.

Tous ensemble, main dans la main nous le pourrons quand nous déciderons de ne plus faire semblant:

Semblant d’être compétents et intègres.

Semblant d’être amoureux de la mère-patrie

Semblant de nous aimer les uns les autres

Semblant de travailler en vue du sauvetage de la nation

Semblant de vouloir y instaurer la démocratie.

Semblant de respecter la constitution et les lois

Semblant d’être fiers de notre haïtianité.

Lorsqu’individuellement et collectivement nous en aurons assez de cette laideur que nous projetons comme image, tant à l’intérieur du pays que dans la diaspora, nous les dignes filles et fils de ce singulier petit pays, commencerons à mériter notre rédemption salvatrice. Cela ne dépend que de nous et personne ne le fera à notre place.

Me Serge H. Moïse av.

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