Les civilisations Negro-africaines par le professeur Coovi Gomez

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Jean-Charles Coovi Gomez

Les archéologues qui s’évertuent depuis plusieurs décennies à élucider les conditions d’émergence de la civilisation de l’Egypte pharaonique à la fin du cinquième millénaire ( Fred WENDORF, Bruce WILLIAMS , Damiano APPIA) sont désormais unanimes pour souligner le rôle décisif joué par la Nubie préhistorique dans les principales mutations technologiques qui ont conduit à l’élaboration des premières institutions socio-politiques en Haute-Egypte précisément à Abydos , Nekhen jusqu’au célèbre NOME de Ta Seti.

C’est dans ce contexte qu’est apparue , plusieurs générations avant le PHARAON-UNIFICATEUR NARMER (-3300 ), la fameuse dynastie des SHEMSOU HOR (  » SUIVANTS D’HORUS  » ) à laquelle l’humanité entière est redevable des premières innovations historiques significatives ( Royauté divine , écriture hiéroglyphique , architecture monumentale , calendrier astronomique , codes juridiques…).

Le noyau dur de ce peuplement pré-dynastique était représenté par les ANOU dont Flinders PETRIE et AMELINEAU ont étudié minutieusement les vestiges archéologiques. On ne saurait trop insister sur les similitudes troublantes entre les cultures préhistoriques de la NUBIE au cinquième millénaire et celles de la RÉGION DES GRANDS LACS AFRICAINS du Bassin du Congo aux confins de l’Afrique du sud actuelle.

Il faut ajouter à ces données archéologiques surabondantes les éléments de convergences remarquables tirés de la comparaison entre les principaux foyers de l’art rupestre en Afrique. Dans un ouvrage intitulé  » LES PHÉNICIENS DE L’ODYSSÉE  » , le géographe Victor BERARD a mis l’accent avec force détails sur les INFLUENCES CULTURELLES MAJEURES subies au deuxième millénaire par les PREHELLENES en général et les CRÉTOIS en particulier de la part des NUBIENS et des ANCIENS EGYPTIENS qui étaient de l’aveu unanime des auteurs et témoins grecs de l’Antiquité des mélanodermes caractérisés ( cf HERODOTE , Euterpe , Livre II , 104 ).

De fait , la période préhellénique de l’histoire de l’Europe a été volontairement obscurcie par les historiens européens actuels qui cherchent à minimiser les rapports étroits qui existaient entre les CIVILISATIONS NEGRO-AFRICAINES que sont la NUBIE et l’EGYPTE PHARAONIQUE d’une part et les PREHELLENES d’autre part.Il ne s’agissait pas de simples relations commerciales comme le pensait Jean VERCOUTTER ( cf  » L’EGYPTE ET LES PREHELLENES  » ) mais d’un apport massif de la NUBIE et de l’EGYPTE ANTIQUE dans les domaines de l’architecture , des arts , de la navigation et même de la religion.

C’est ce legs des CIVILISATIONS NEGRO-AFRICAINES qui explique l’essor et la prépondérance en Europe des PREHELLENES jusqu’à la tragédie de l’invasion barbare et de la destruction de la civilisation mycénienne par les DORIENS. Il ressort de l’examen des sources historiques disponibles que la civilisation crétoise elle-même a subi l’influence décisive de la civilisation égypto-nubienne dès la fin de l’Ancien Empire jusqu’à l’invasion des  » PEUPLES DE LA MER  » au douzième siècle avant notre ère ( cf Cheikh Anta DIOP  » CIVILISATION OU BARBARIE  » ).

Seule cette perspective historique permet de clarifier le fameux  » MYTHE DE L’ATLANTIDE  » rapporté par PLATON en le rapprochant de l’explosion volcanique de SANTORIN , île située dans les Cyclades. Les INDO-EUROPÉENS proprement dits ne connaîtront une promotion relative qu’au cours de la période semi-légendaire qui coïncide avec l’apparition des ÉPOPÉES HOMÉRIQUES consignées respectivement dans l’ILIADE ( composé entre -800 et -750 ) et l’Odyssée ( composée à la fin du VIII ème siècle avant notre ère ). CES ÉPOPÉES ÉTAIENT TRANSMISES ORALEMENT ET CE N’EST QU’AU VIème SIÈCLE QUE PISISTRATE FIXERA PAR EXEMPLE L’ILIADE PAR ECRIT.

De la même façon , c’est l’influence directe de l’EGYPTE sur LA GRECE D’ASIE MINEURE et en particulier la Cité d’IONIE qui permet de comprendre l’introduction en Europe de la PHILOSOPHIE que THALES DE MILET au terme de son périple studieux auprès des détenteurs égyptiens de la  » SCIENCE SACRÉE  » tentera d’acclimater en Grèce. Toutes les spéculations philosophiques abusivement attribuées par le truchement du prétendu  » MIRACLE GREC  » aux PRÉSOCRATIQUES ont été d’abord empruntées à l’EGYPTE avant d’être interprétées , transformées, dénaturées au fil du temps. La fameuse  » TRADITION ANTIQUE  » à laquelle PLATON et XENOPHON se réfèrent de façon ostentatoire pour expliquer l’irruption de l’argument de la réminiscence et partant de la notion de l’immortalité de l’âme dans la pensée de SOCRATE ( cf LE PHEDON ) est rattachée explicitement à l’EGYPTE qui en serait la source originelle. Ainsi , THALES , ANAXIMANDRE , ANAXIMENE , PYTHAGORE , HERACLITE , PARMENIDE, EMPEDOCLE, ANAXAGORE, PLATON , ZENON D’ELEE , ARISTOTE etc sont tous redevables à l’EGYPTE ANCIENNE des connaissances philosophiques qui ont fait leur réputation dans le CÉNACLE DES PENSEURS ILLUSTRES. Au cours de l’antiquité tardive , l’EUROPE ne manquera pas de puiser de nouveau à ALEXANDRIE les savoirs nécessaires à sa régénération.

Outre les différents courants théologiques et philosophiques qui se rattachaient directement à cet  » INVENTAIRE ACHARNE DE LA SAGESSE MILLÉNAIRE DES BORDS DU NIL  » ( cf Luciano CANFORA  » LA DESTRUCTION DE LA BIBLIOTHÈQUE D’ALEXANDRIE  » ) , les sciences connaîtront un essor considérable à cette époque comme en témoigne entre autres la captation des connaissances astronomiques égyptiennes par ARISTARQUE DE SAMOS à partir de 350 avant notre ère.

Le moment est venu pour les AFRICAINS et les AFRO-DESCENDANTS partout dans le monde de suivre collectivement la recommandation capitale du Professeur Cheikh Anta DIOP formulée dès 1973 : » On doit dire aux générations qui s’ouvrent à la recherche : armez-vous de science jusqu’aux dents et allez arracher sans ménagement des mains des usurpateurs le bien culturel de l’Afrique dont nous avons été si longtemps frustrés » ( cf Préface à L’AFRIQUE DANS L’ANTIQUITÉ : EGYPTE PHARAONIQUE- AFRIQUE NOIRE » de Théophile OBENGA ).

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