Échange armes haïtiennes contre cannabis jamaïcain (et viande de chèvre)

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Les organisations criminelles ont mis en place un système de troc entre les deux nations.

Pierre Michel Jean / AFP

Repéré par Antoine Hasday sur Insight Crime

Des bateaux chargés d’une tonne et demie de cannabis font le trajet entre la Jamaïque et Haïti, et reviennent à leur point de départ remplis de pistolets et de fusils d’assaut. Ce trafic, surnommé «armes contre drogue» et supervisé par des organisations criminelles, emploie des pêcheurs comme intermédiaires.

«Nous avons les contacts en Haïti et nous savons gérer la mer. La plupart d’entre nous pratiquent la pêche au large, nous savons donc quelles routes emprunter pour éviter les gardes-côtes jamaïcains et américains», explique un capitaine anonyme au journal Jamaica Gleaner.

La petite ville portuaire d’Old Harbour Bay, sur la côte sud jamaïcaine, est un lieu privilégié de ces activités illégales. Avec environ 400 litres de carburant, on peut faire l’aller-retour entre les deux pays (600 miles marins, environ 1.100 kilomètres) en un jour et demi.

Le paiement en nature fait la spécificité du trafic en question. Les pêcheurs sont rémunérés en cannabis: un fusil d’assaut s’échange contre 14 kilogrammes de marijuana; un pistolet contre 4,5 kilos d’herbe verte.

La plupart de ces armes finissent entre les mains des gangs jamaïcains. L’île a comptabilisé 1.300 meurtres en 2019, soit un taux d’homicides de 47 pour 100.000 habitant·es, l’un des plus élevés de la région avec celui du Venezuela.

«Flingues rouillés»

Selon l’expert en sécurité Anthony Clayton, les criminels jamaïcains importent entre 150 et 200 armes à feu depuis Haïti chaque mois. Ils les paient en cannabis, plus rarement en cocaïne, mais aussi en viande d’animaux volés (bovins, cochons ou chèvres).

Une vingtaine d’organisations illégales jamaïcaines seraient impliquées. Elles revendent ensuite les armes à d’autres criminels: un pistolet vaut 100.000 dollars jamaïcains [639 euros] sur le marché noir, les fusils d’assaut beaucoup plus cher.

Ces groupes importent également des armes depuis l’Amérique du Nord. «Les plus récentes et les plus puissantes viennent principalement des États-Unis. Celles qui viennent d’Haïti sont parfois appelées “les flingues rouillés”, car elles ont tendance à être plus anciennes», indique Anthony Clayton. Une même arme est souvent utilisée par plusieurs personnes –et pour autant de crimes–, car elle peut être revendue, échangée et même louée.

En 2017, l’ONG Small Arms Survey dénombrait au moins 200.000 armes illégales en Jamaïque, liées à une montée de la violence. En février dernier, le ministre de l’Intérieur Horace Chang a annoncé des patrouilles aériennes pour lutter contre le trafic «armes contre drogues», mais lui-même reconnaît avoir besoin d’un avion supplémentaire pour que la mesure soit réellement efficace.

source: https://korii.slate.fr

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