HAÏTI: LE CRI DE COEUR D’UN PEUPLE EN AGONIE

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Mardi 12 Novembre 2019

La crise haïtienne atteint son paroxysme avec les faux pas de M. Jovenel Moïse, le 58e chef d’Etat d’Haiti, élu sous la bannière du parti politique folkloriquement dénommé PHTK, dépourvu d’un projet réel et visionnaire de société et  prônant un développement durable et un mieux être du peuple qui depuis environ deux longs siècles croupit dans l’ignorance crasse et la misère abjecte. Trente trois ans après la chute de M. Jean-Claude Duvalier le pays, comme un navire sur une mer démontée sans gouvernail, ni capitaine; s’effondre et coule comme le Titanic. Il  s’écroule, diront les plus pessimistes, comme un château de cartes. Impuissant nous assistons au dépérissement de l’État / Nation et à la disparition d’un peuple agonisant.

Depuis de longs mois c’est tout un peuple en agonie dans ses diverses composantes qui manifeste son indignation et sa colère à travers les rues, dansant la sarabande, se déambulant en scandant haut et fort “ A bas Jovenel Moïse”, “Jovenel Moïse lage pye’w”. La puissante Église Catholique de jadis, qui a toujours joué un rôle majeur dans la jugulation des différentes crises qu’a connues le pays, demande ouvertement au chef de l’État qu’elle croit encore animé d’un peu de bon sens de faire un geste patriotique pour éviter le chaos. La marche symbolique qu’elle a organisée et qui s’est transformée en une manifestation revendicative contre la présence au pouvoir du président irritant Jovenel Moïse est assez significative. Elle témoigne de la prise de conscience de la hiérarchie ecclésiastique haïtienne qui entend éviter le pire.

M. Jovenel Moïse apprend aujourd’hui à ses dépens qu’il n’est pas permis à tout le monde d’aller à Corinthe. L’exercice du métier de président a ses exigences et n’est reservé qu’à un petit groupe d’hommes, l’élite, porteurs de lumière comme Louis XIV de La France, Frédéric II de Prusse, Catherine II de La Russie, Henry l d’Haïti pour ne citer que ces hommes d’Etat qui se sont sacrifiés afin d’oeuvrer au bonheur et au bien-être de leur peuple en prenant des mesures opportunes  voire impopulaires qui soulèvent parfois le mécontentement. L’histoire heureusement a la faculté de réhabiliter la mémoire de ces illustres chefs d’État qui ont dirigé leur pays avec une main de fer sans démériter de la patrie reconnaissante mais qui ont très souvent vécu dans l’incompréhension de leur peuple.

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Les artistes haïtiens également réclament à l’unisson la démission de M. Jovenel Moïse qui se révèle un grand incapable à la tête de l’État et qui malgré le cri du peuple agonisant décide de s’accrocher au pouvoir pour jouir des privilèges que lui confère cette noble mais combien ingrate et exigeante haute fonction. Des groupes musicaux déferlent dans les rues de la capitale entraînant avec eux une immense foule en furie comme pour appuyer leur mouvement contre le locataire de ce qui reste encore après la tragédie du 12 janvier 2010 de notre historique palais national. Cette manifestation pacifique n’inquiète nullement le chef de l’État ni le gouvernement démissionnaire soutenus par la communauté internationale, mais qui pourtant ne dirigent absolument rien depuis un certain temps.

Les écrivains et intellectuels haïtiens comme d’ailleurs les pontes de l’Eglise Catholique dressent un tableau très sombre de la situation sociale, économique et politique d’Haïti et rendent le président devenu indésirable responsable du naufrage de la barque nationale, de la deflagration, de la décotte de la gourde, de l’insécurité, de la misère atroce; bref responsable de toutes les souffrances du peuple et de tous les malheurs du pays. Ils l’invitent à cause de son déficit de légitimité et de crédibilité pour convoquer ses adversaires politiques et réaliser un dialogue national inclusif et sincère à tirer la révérence afin de juguler la crise et surtout pour la sauvegarde de l’unité nationale aussi indispensable que la justice sociale préconisées depuis 1804 par le Père fondateur Dessalines à l’existence de l’Etat/Nation d’Haïti.

Les étudiants haïtiens conscients de la mauvaise gouvernance et de l’absence d’une politique publique efficace et efficiente et qui voient des nuages sombres planés sur leur avenir sont à l’avant garde de ce vaste et immense mouvement revendicatif qui prône non seulement le départ immédiat et sans condition du chef de l’Etat épinglé dans les rapports de la Cour Supérieur des Comptes et du Contentieux Administratif mais aussi et surtout un changement en profondeur, global et radical du système socio-politico-économique en place né de la chute du régime de Jacques I d’Haïti. Par tous les moyens de grève, de manifestations, ils décident de braver la soldatesque à la mode pour un meilleur lendemain où les disparités, les inégalités disparaîtront.

Le peuple Haïtien dans un sursaut de réveil, d’orgueil et de prise de conscience quant à lui décide d’écrire une nouvelle page glorieuse de son histoire pour recouvrer sa dignité perdue et sa souveraineté bradée par des leaders inaptes, insouciants et incompétents, prêts à vendre à l’étranger insulteur leur droit d’aînesse pour des plats de lentilles. Il a été la chaire à canon dans la lutte qui culmine à la remise en question de l’ordre colonial et esclavagiste de Saint-Domingue. Il a toujours compris qu’il n’y a rien de changé au lendemain de la victoire par les dirigeants qui se sont succédé au pouvoir jusqu’à date. Il vit aujourd’hui encore dans l’ignorance crasse et dans la misère abjecte et regarde ses dirigeants dans l’opulence méprisante et révoltante. Sa bataille pour l’obtention de la démission de M. Jovenel Moïse est le début d’une longue lutte politique contre le système inique et sauvage en vigueur.

Il va sans dire qu’il s’agit bel et bien du cri de tout un peuple en agonie qui réclame comme palliatif à cette crise qui ne dit pas son nom le départ sans condition et immédiat du pouvoir d’un chef d’État élu dans les conditions que l’on sait et contesté par des leaders politiques, certes, mal classés mais convaincus et avisés de l’orientation et des dérives qui attendaient la nation. M. Jovenel Moïse privé d’une base politique misera-t-il sur la communauté internationale ingrate qui ne défend que ses intérêts majeurs en HaÏti pour s’accrocher au pouvoir ou recherchera-t-il une porte de sortie plus ou moins honorable en démissionnant du pouvoir comme l’exigent dans toutes les manifestations de rue tous les secteurs de la vie nationale? L’avenir dira…

                                                                                                                                       Me Fresnel JEAN, T.S.&Av.

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