LA CRISE EN HAITI MARCHE A GRAND PAS VERS UNE SOLUTION !

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Paul Gustave Raphaël Magloire

Conseiller Spécial de la Transition de 2004-2006

Ministre de l’Intérieur du Gouvernement Alexandre-Latortue, 2004-2006.

Mise à jour : 27 Avril 2024

Ce 25 Avril 2024 une grande étape a été franchie sur la route d’une solution à la crise qui est en train de détruire à petit feu la République d’Haïti. Le Conseil Présidentiel a prêté serment ce jeudi au Palais National, le siège central du Pouvoir Exécutif. Ce qui a entrainé la démission attendue du Premier Ministre Ariel Henry, retenu à l’étranger, et du gouvernement qu’il dirigeait. Le Ministre des Finances qui assumait l’intérim en son absence, Michel Patrick Boisvert, par décision du Conseil des Ministres sortant reste en poste jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier Ministre choisi par la majorité des membres du Conseil Présidentiel.

Tout cela s’est réalisé très vite dans un cadre qui paraissait impossible. Car, les gangs armés avaient déchainé un barrage de feu d’armes automatiques qui faisait trembler toute la zone du Champs-de-mars qui entoure le Palais. Le transfert de pouvoir s’est poursuivi à la Primature en présence des membres du gouvernement sortant, des représentants de tous les secteurs du monde politique et du corps diplomatique largement représenté.

En effet, les gangs armés qui encerclent Port-au-Prince, la capitale du pays, ont procédés ces derniers mois à la destruction systématique des édifices publics, comme le Palais de Justice, plusieurs postes de police, des pharmacies, des centres de santé et des hôpitaux, des écoles comme des universités, et des entreprises rentrent en faillite en envoyant des dizaines de milliers d’employés et de travailleurs au chômage. Des quartiers en entiers ont été détruits, les maisons de personnes menant une vie modeste ont été pillées et passées par les flammes. En plus, des femmes comme des enfants sont abusés et chaque jour des corps déchiquetés jonchent les rues, résultats des bruits de bals qui brisent le silence de la nuit chaque soir. Ainsi, des dizaines de milliers de famille sont devenues du jour au lendemain de pauvres errants cherchant à se réfugier dans des abris de fortune. Ce qui est pour Port-au-Prince est le même pour des dizaines d’autres villes qui ont dit accueillir plus de 300,000 déplacés, où des millions de personnes côtoyaient déjà la famine.

C’est dans ce conteste que plusieurs centaines d’organisations de la société civile, des organisations du secteur privé des affaires, et des dizaines de partis politiques, représentant la majorité des forces politiques du pays, avec le support de la communauté internationale ont pu se concerter pour lancer une nouvelle initiative de gouvernance du pays. Dans le cadre de cette initiative appuyée sur un large consensus un Conseil Présidentiel de 9 membres a été créé pour exercer les prorogatifs du Chef de l’État. Le Conseil Présidentiel doit choisir un Premier Ministre incessamment pout former un cabinet ministériel pour diriger le pays sous la supervision du Conseil Présidentiel. Cette structure intérimaire de gouvernement a la responsabilité d’organiser des élections honnêtes, inclusives et transparentes, afin d’ici le 7 février 2026, de transmettre le pouvoir à des élus du peuple.

Haïti cherche à sortir du bord du précipice. A ceux qui répètent qu’une nation ne meurt pas, ils se trompent. Car, à la vérité, consulter la Bible, de glorieux empires ont disparu de la surface de la terre sans laisser de trace.  Le prix à payer est énorme pour empêcher que Haïti, ce si beau pays avec un peuple si fier, quitte le bord du précipice, avant de plonger à tout jamais dans l’abime de l’histoire. Cet exercice patriotique que nous devons faire va exiger un effort sans arrêt sur au moins une période de 20 à 25 années, de chacun de nous, et de nous tous. D’abord, c’est une affaire d’hommes et de femmes, patriotes, intègres qui sont compétents et prêts à s’attaquer à une tache qui parait presque impossible à réaliser. Au nom de notre patrie, HAITI, nous devons nous engager à devenir bien meilleur que ceux que nous sommes aujourd’hui, sans considération de notre âge, de notre sexe, et de notre nuance de couleur, Comme disait Winston Churchill, « chacun doit faire de son mieux ». Dans l’état où Haïti se trouve, il existe une forte crise de confiance. Le peuple haïtien doit pouvoir trouver une raison pour reprendre confiance dans ses élites et dans la capacité de notre pays à aller de l’avant. Le Conseil Présidentiel aura à travailler avec le Premier Ministre qu’il aura  choisi pour améliorer la façon dont nous gouvernons Haïti, et afin de redresser l’état du pays.

Il nous faut : i) systématiquement combattre l’insécurité ii) relancer l’économie du pays en mettant l’accent sur de grands projets capables de créer du travail (modernisation de 40 villes dans les 5 grandes régions du pays avec de grands complexes touristiques) ; iii) encadrer les petites et moyennes entreprises et les financer ; iv) mettre l’accent sur le développement des infrastructures, l’agriculture, l’élevage, la pèche, l’artisanat, la reforestation, et la relance de la culture du café et du cacao, les industries et l’agro-industrie d’exportation et le tourisme, entre autres ; v) former 250,000 jeunes des deux sexes dans le domaine technique et technologique, et finalement vi) améliorer le capital humain du pays.

Il faut réhabiliter les mineurs impliqués dans les gangs en leur donnant un métier, établir les leçons de civisme obligatoires dans toutes les écoles, relancer aussi les activités sportives ; enseigner la musique, l’art en général, et encourager aussi les activités récréatives saines dans tout le pays.

La transition doit organiser une conférence nationale avec les différents secteurs du pays afin de discuter d’un plan de développement accéléré et de la modernisation du pays sur une période de 20 à 25 années ; et aussi réaliser des réformes constitutionnelles et institutionnelles susceptibles de faire avancer le pays. Nous aurons besoin au moins 40 milliards de dollars pour ce projet sur cette période. Ne perdons pas de temps. Haïtiens et Haïtiennes, notre pays a besoin de nous !

Ce combat avait été livré la première fois par les preux de 1804. Ils étaient lors des hommes noirs venus de 21 nations d’Afrique. Il ne faut pas oublier non plus, les Allemands, les Polonais, et même les Français, qui avaient choisi de traverser dans les rangs des preux sous les ordres de Jean-Jacques Dessalines pour défier, dans nos rangs, l’ordre colonial, l’ordre esclavagiste et l’ordre racial qu’était venue rétablir dans l’ile de Saint-Domingue l’expédition envoyer par Napoléon Bonaparte contre le Général nègre Toussaint Bréda Louverture. Ce jour-là, nous avons défendu notre humanité.

Nous ne devons jamais oublier le support spirituel de Benjamin Franklin, fondateur de la Société des amis des noirs, non plus celui de John Adams, Président des Etats-Unis de 1797 à 1801, qui avait laissé les commerçants américains vendre des armes à Toussaint Louverture et avait failli entrer en guerre avec les Français qui étaient mécontents de l’acte des Américains. Tous ceux qui avaient lutté pour Haïti, l’avaient fait pour ce même et noble idéal dont parlaient les philosophes des lumières : liberté, égalité, fraternité. Nous étions grands ! Nous avons aussi signé plus tard comme membres fondateurs des Nations Unies. Mais, certainement, nos ancêtres ne s’étaient pas engagés et sacrifiés pour que nous devenions ce que nous sommes aujourd’hui. Non, nous nous sommes égarés en route ! Nous ne nous comportons certainement pas comme les héritiers de ces mêmes personnes, ces héros, qui ont fait 1804 ! Si aujourd’hui nos frères de l’Afrique veulent nous aider, ils doivent être les bienvenus.

Haïtiens, mes frères et sœurs, la crise que nous vivons n’est pas simplement une affaire de bandits armés. La transition doit être un peu plus qu’un jeu de massacre des enfants. Nous devons prendre l’occasion de cette circonstance tragique pour une profonde réforme dans notre société, à tous les niveaux.

OUI, NOTRE AYITI CHERIE DOIT VIVRE ENCORE POUR UN DEMAIN MEILLEUR, POUR NOUS TOUS HAITIENS, SANS EXCEPTION !

QUE DIEU BENISSE HAITI !

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