Lettre de Patrice Dumont à Hérard Louis

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Port-au-Prince, 15 août 2023

Bonjour Monsieur Hérard Louis

Tout d’abord, je tiens à vous féliciter de veiller sur les affaires de notre pays. Ensuite, d’exprimer aussi clairement vos opinions sur des questions pointues telles que la sécurité, les installations sportives, l’organisation de Coupe du Monde de football.

Mais n’allons pas plus loin sans que je ne vous avertissse d’un malentendu certain dont est victime votre esprit que je sais pourtant sagace. En effet, je n’ai pas souvenance que Kesner Pharel et moi ayons cosigné un texte de “projet Stade National Emmanuel Sanon”.

En revanche, depuis 2019, je suis membre de la Fondation Toup Pou Yo qui fait la promotion de la construction d’un grand stade moderne dans le pays. En cela, le 2 août, au Montana, en plus de son rapport comptable, cette Fondation a fait la présentation de ses travaux préliminaires au plan définitif du stade rêvé: les esquisses architecturales du stade préparées et présentées par la firme d’architecture Moun Studio et le documentaire de projet audiovisuel animé par cinq personnes, trois architectes, Kesner Pharel et moi.

Cela dit, je me félicite de ce que, malgré vos réserves et votre priorité à l’acquisition “d’une douzaine d’avions et d’hélicoptères de combat avant de penser au stade Emmanuel Sanon”, “vous aviez toujours pensé à l’érection d’un stade national moderne pour le pays”. Bienvenue à la Fondation Toup Pou Yo.

En outre, j’observe avec délice que vous partagez avec Toup Pou Yo l’idée que nous soyons prêt quand viendra le moment pour la Caraïbe d’être le siège d’un groupe d’une Coupe du Monde de foot qui retournerait dans les Amériques après celle prochaine, 2026, qu’accueilleront les USA, le Canada et le Mexique.

En même temps, vous m’effrayez par la pensée d’une ” dizaine de Stades Olympiques en Haïti suivant les normes internationales”. Aucun pays au monde, mais vraiment aucun, ne possède dix stades olympiques! Sachons raison garder.

C’est fort de cela qu’à Toup Pou Yo, il n’est pas rare que de nos discussions revienne souvent la proposion de ramener nos ambitions relatives au stade de 40000 places de capacité à 30000.

En tout état de cause, quand les ressources sont rares, comme c’est le cas à en pleurer chez nous, le possible prend souvent, peut-être toujours, la forme du pis-aller. Que faire? Sécurité ou infrastructure sportive? Éducation ou nutrition du peuple? Logements ou campus universitaires? Reconstruction du Palais National ou reforestation du pays? Ad limitum.

En fait, de quelque nature que soient des travaux importants à réaliser, stade, campus universitaire, hôpital, voies ferrées, port, aéroport, nous devrions nous accorder sur un point: tout doit converger vers la reconstruction de nous-mêmes dans un esprit holistique. Stade, oui, mais aussi, dans l’ensemble, éducation et culture, de nouvelles routes, des ponts, tramways, marchés publcs, gare routière, espaces boisés, plan de développement du football professionnel, investissement technologico-industriel…

Tout cela m’amène, cher Monsieur Louis, à nous rappeler avec Maurice Godelier qu’ “à la différence d’autres espèces sociales, l’humain n’est pas qu’un être qui s’adapte, c’est aussi un être qui s’invente”.

Et si nous nous rappelions que nous fûmes des inventeurs et que donc…!

Patrice Dumont

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