Le drame de l’arbre et de la feuille

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Tout le monde sait que la feuille est la fille de l’arbre, une fille qu’il porte dans tout son cœur et qu’il défend contre tous les dangers. On s’en rend compte par le fait que, contrairement aux humains et aux mammifères qui, à leur naissance, sont séparés de leurs mères par un cordon ombilical, l’arbre et la feuille sont attachés toute la vie de la feuille. Ce n’est jamais l’arbre qui lâche sa feuille. Ni la feuille qui décide d’elle-même de se séparer de l’arbre dont elle dépend à cent pour cent pour se nourrir, pour respirer, pour transpirer, que sais-je encore !

La feuille, pour sa part, voue sans cesse son attachement à l’arbre, en lui faisant plein de mamours quand elle gigote dans le vent, afin que l’arbre, fixe sur ses pieds, sente que l’on invite à danser, ou qu’il entende un peu de musique pour qu’il ne perde pas le moral.

Le drame de l’arbre et de la feuille se déroule dans la saison sèche durant laquelle, par la force des choses, ils finissent par se séparer. Et pour cause, le manque d’eau qui fait que l’arbre et la feuille souffrent énormément pendant de longs mois. A vue d’œil, la feuille est toujours la première victime de la saison sèche où elle rend l’âme pendant qu’elle tombe.

Après sa chute, la feuille souffre au quotidien, je dirais même beaucoup plus que l’arbre, entre les soleils très brûlants et de surcroît les piétinements à répétition de tous ceux qui lui marchent dessus, sans ménagement. La feuille pâtit bien plus que l’arbre, passant de l’état de litière à celui de poussière, pour se répandre sur nos chaussures comme les pollens des fleurs sur nos mains quand elles les touchent tendrement.

Et l’arbre, dont la sève se réduit progressivement, comme une peau de chagrin pendant toute la saison sèche, de pleurer sa feuille et toutes ses feuilles, comme une mère malheureuse qui a perdu tous ses enfants.

Jean SAINT-VIL

le 18 février 2022

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