À FRITZ PHILIPPE !!! POUR CONTINUER LE DIALOGUE JUSQUE PAR-DELÀ LA TOMBE!!!

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Ainsi tout change, ainsi tout passe
Ainsi nous-mêmes, nous passons
Hélas!sans laisser plus de trace
Que cette barque où nous glissons
Sur cette mer où tout s’efface
Alphonse de Lamartine

Je voudrais bannir les pompes funèbres, il faut pleurer les hommes à leur naissance et non pas à leur mort. Montesquieu

Rien n’est plus banal que la mort. Rien n’est plus subitement cruel que cette désintégration de molécules qui survient dans les laboratoires humains, obligeant choses et gens vus à rejoindre un destin de poussière. Chirurgie majeure avec laquelle paradoxalement, il faut vivre et dont, parallèlement, on ne relève jamais comme si ce fut le prix à payer pour entrer dans le royaume de l’inconnu, dans le domaine de l’éternité.

Comme dit le poète: ” Je me sens moi-même mourir chaque fois qu’un être humain disparaît “. Mais l’intolérable souffrance qui en résulte se décuple, se démultiplie quand c’est un frère qui tombe ou un compagnon de tous les instants qui s’en va. Et l’on se retrouve en train de “décrire sans art un mort qu’on pleure sans feinte”. Fritz ,ce géant qui se tenait toujours dans la contemplation du Ciel plutôt que dans le voisinage des marécages putrides ou évolue la faune politique haïtienne est parti sans tambour ni trompette Néanmoins, comme tout être humain fait de boue et de parfum, il fut sujet à l’erreur. Comme tout mâle haïtien, il connut des faiblesses impardonnables. Mais dans tous les sentiers où il s’engagea, sur tous les sols qu’il foulait de ses pas de géant, il dégageait plutôt le parfum enivrant de la générosité et de la solidarité qui ravissait les narines de ceux qui avaient le privilège de l’approcher. Homme de parole, il allait toujours au bout de son engagement, car, à l’instar de Fénelon, il avait toujours su que” : Rien n’est plus méprisable qu’un parleur de métier qui fait de ses paroles ce qu’un charlatan fait de ses remèdes.

La nouvelle de ta mort Fritz, est tombée comme un coup de tonnerre dans un ciel affligé par les nuages depuis que les cyclones, les ouragans ont remplacé les alizés et les brises tropicales dans ce morceau d’île des Caraïbes. La nouvelle est tombée inattendue, bizarre: Un homme de valeur s’en est allé. Ah! Oui, le Nord-Ouest d’Haïti est resté ce coin de terre chargé d’histoires et de personnages historiques. Autant il compte de salauds dans ses rangs, autant il enregistre des hommes de valeur capables de contrebalancer l’action des destructeurs d’histoire de la horde des antisociaux dont les tentacules immondes sont encore en train d’agiter les eaux calmes. Dans la foulée des faiseurs de patrie, Fritz a poussé l’exemplarité jusqu’à devenir un modèle pour ce bout de société.

Comme le soutient Bourdaloue : ” Il n’est rien de plus précieux que le temps, puisque c’est le prix de l’éternité. Voilà pourquoi, sur ta charpente de battant, Fritz, le temps a glissé comme un bobsleigh sur un parcours de glace. Ton verbe persiste à être cette incision dans la chair molle des habitudes acquises et confortées par le temps. Alors, tout le temps qui m est imparti et les kilomètres qui me restent à parcourir, tes mots, à mon endroit garderont leur saveur de perles.
L’ occasion pour moi aussi de saluer les qualités de l’écriture d’un homme grand et d’un grand citoyen. Comme tous les martyrs des causes avouées ou cachées, Fritz jusqu’à la lie a bu le calice, se gaussant du contenant comme du contenu et surtout affrontant l’inéluctable avec les armes de la logique et de la sérénité.

Mais comme c’est toujours à la disparition d’un être humain qu’on mesure son importance. C’est toujours aux larmes versées sur sa dépouille qu’on évalue la profondeur des sentiments qu’on lui vouait de son vivant. Et c’est surtout à tout ce qu’il inspire en termes de respect, d’admiration et d’empathie qu’on lui consacre des mots .

Mon cher Fritz,
Mon frère,
Mon ami,

“La mort est un bien pour tous les hommes : elle est la nuit de ce jour inquiet qu’on appelle la vie “. Et ce ne sont pas quelques colifichets matériels dont les hommes se parent durant leur séjour sur terre qui peuvent la dissuader de faire irruption dans nos vies. Tu es allé rejoindre ces Hommes illustres de même que ces anonymes dont tu as toujours pris le parti pour le meilleur et pour le pire. Les mots me manquent pour te dire l’immensité de ma douleur. Mais mon discours est ponctué de quelques consolations quand je pense à tous les amis dont tu as partagé les rêves et les cauchemars, que tes déboires physiques sont terminés et qu’à présent, tu évolues dans l’espace de la Divinité. Les amis, aujourd’hui, se joignent à moi pour présenter aux tiens leurs profondes sympathies en ces circonstances douloureuses de ton départ que j’estime prématuré. Mais qui suis-je pour parler de précipitation dans les desseins de Dieu pour toi? Sois mon poste avancé pour la prochaine étape de ma mission inachevée. À tous ceux qui prendront lecture de ces mots d’adieux, je dis simplement :
” Tout n’est qu’illusion d’illusion suivie
Et ce n’est qu’à la mort que commence la vie”.

Ton ami-frère Jean L. Théagène

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