Assassinat – Jovenel : Joel Léon et son texte de diversion!

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Texte de Cyrus Sibert , #LeReCit

Jamais on pourrait imaginer que la Commemoration de l’assassinat du président Jovenel Moise allait créer de la convoitise chez des aristidiens. Ceux qui ont trahi le mouvement populaire des années 70s, 80s et 90s, au profit du culte de la personnalité d’un prêtre défroqué, sont jaloux. Leur jalousie semble aller jusqu’à regretter que leur “petit dieu Titid” n’ait pas été mis à mort en 2004. Cela leur aurait permis d’avoir aussi un jour férié de Commémoration national à l’instar du 7 Juillet 2022 en mémoire du Président Jovenel Moïse.

C’est dingue! Mais c’est comme ça! 

En effet, le texte de Jean Léon, titré « De Jean B. Aristide en 2004 à Jovenel Moïse en 2021, les mêmes assassins ! » est un tour magique qui cherche à comparer la démission de Jean Bertrand Aristide en 2004, à l’assassinat du président Jovenel Moise. Aussi est-il un effort de comparaison qui ne résiste pas à l’analyse ni au bon sens.

La jeunesse haïtienne doit se montrer vigilante. Car, il existe un laboratoire aristidien associé aux nuls de la gauche-épicurienne, nihiliste et démagogique pour réécrire l’histoire suivant une approche révisionniste avec l’idée que les jeunes d’aujourd’hui ne sauront pas la vérité. 

Je n’ai nullement l’intention de combattre totalement ce texte de Joël Léon qui sans doute contient des témoignages à évaluer dans le cadre de travaux de recherche historique. Il a eu le courage de reconnaître que le Président Jovenel avait pris ses distances par rapport aux éléments de la bourgeoisie voleuse et insatisfaite parce qu’il voulait réaliser quelques projets dans le pays. Toutefois, nous ne pouvons pas le laisser accomplir son stratagème, son sophisme, ce piège qui consiste à faire croire que l’international a assassiné Jovenel Moïse, donc, il n’y a plus rien à faire…C’est fini!

C’est faux! Nous connaissons la musique. Quand les criminels d’Haiti agissent, ils accusent l’international. C’est un moyen de diversion. On accuse tout le monde pour ne pas accuser personne. On appelle cela “une ambiguïté constructive” (Henry Kissinger) i.e. des condamnations sans certitude absolue, une suspicion pour construire le doute qui appuiera les démentis plausibles ou fera avancer un agenda.

Mais aujourd’hui, il y a la masse critique présente sur les réseaux sociaux. Ce que j’appelle “la cérémonie online du bois caïman”, l’espace des échanges dans une perspective de cette prise de conscience indispensable au soulèvement général puis au changement. Ainsi, nous sommes présents, disponibles et disposés en permanence pour éviter la répétition de la manipulation cynique de la jeunesse, comme ce fut le cas dans les années 80s – 90s. 

Décryptons le texte de Jean Léon

Nous n’allons pas nous arrêter sur son règlement de compte avec Stanley Lucas ni sur ses fleurs à l’endroit de Réginald Boulos, des approches qui individualisent les problèmes systémiques d’Haïti, enracinés dans son passé de colonie esclavagiste.

1- Tout d’abord Jean Léon nous dit : c’est le projet de rapprochement du président Jean-Bertrand Aristide à la Chine qui est à la base de son renversement. C’est complètement faux!

Il existe une grande différence entre la Chine de 1990, la Chine de 2004 et la Chine d’aujourd’hui. Au temps d’Aristide, la Chine ne représentait pas une menace pour les États-Unis. Au contraire, les gouvernements américains successifs ont encouragé l’ouverture de la Chine au monde, parce qu’ils croyaient que son développement économique allait provoquer un changement politique, disons mieux, l’effondrement du Parti communiste chinois. Ce n’est pas un secret. Tout le monde investissait en Chine qu’on considérait comme l’usine du monde. 

Donc, c’est prendre les gens pour des imbéciles de venir leur dire que les États-Unis ont renversé le président Aristide parce qu’il envisageait une coopération avec la Chine. 

2- Léon Joel a confirmé dans son texte que les soldats américains avaient “enlevé” Aristide en 2004 en présence de “beaucoup de témoins”. Il est clair, qu’il ne s’agissait pas d’une opération clandestine. Soyons sérieux. Les forces spéciales américaines savent se montrer discrètes. L’ombre est leur point fort. Si elles arrivent au bureau du Président Aristide alors qu’il y avait du monde, c’est parce qu’il existait une entente entre Aristide et l’Ambassade Américaine. 

La vérité : Le président Lavalas avait appelé le Chargé d’Affaire américain et sollicité l’aide de l’Ambassade des Etats-Unis pour sa sécurité, dans une perspective de négociation et même de démission “en vue d’éviter un bain de sang”. Car, il ne faisait pas confiance à la Police qu’il avait sous-équipée au profit des gangs et en même temps, depuis l’assassinat de son fidèle Chef de Gang Amiot Méteyer alias cubain par ses sbires, Aristide se méfiait des gangs. Son petit jeu était de faire venir les soldats de l’Ambassade et après de faire volte-face. Et là, sa sécurité dépendrait des Etats-Unis ipso facto. Car, comme en 1991 l’Ambassadeur français lui avait sauvé la vie, il croyait rejouer le même scénario. Comme preuve, l’autorisation de déploiement de la Force Multinationale en 2004, tout cela est basé sur la demande du Président Aristide qui espérait manipuler l’Administration Américaine, obtenir des soldats pèpè pour la survie de son régime. La demande de sécurité serait une première étape dans l’exécution de son plan. Mais, cela n’a pas marché!

C’est fausser l’histoire de ne pas mentionner le role central de l’Armée Cannibale, la Gang d’Amiot Méteyer devenu rebelle après l’assassinat de son Chef. Cubain comme on l’appelait avait incendié et massacrer des opposants politiques d’Aristide dans la ville des Gonaives, le 17 décembre 2001.

Donc, les américains étaient clairs. Pas de déploiement sans un règlement politique. La démission d’Aristide qui les avait appelés au secours, constituait pour eux le règlement politique attendu.

En ce sens, c’est l’obsession de compter sur l’étranger au lieu des forces nationales qui lui a coûté son pouvoir. Tous les efforts de renforcement de la Police que le Président René Préval avait réalisés avec l’aide de madame Madeleine Albright furent interrompus au second mandat d’Artiste. Il croyait qu’il lui suffisait d’avoir le support du Black Caucus, des chefs de gangs et des seigneurs locaux de la drogue pour qu’il puisse gouverner Haïti en Roi. Aujourd’hui encore, il attend les américains pour l’installer au Palais National comme président anticonstitutionnel et de facto. “ Devan pòt tounen dèyè kay! ”

Je ne dis pas que la bourgeoisie ou l’oligarchie n’avait pas joué un rôle dans cette affaire. Cependant, c’est méconnaître la force du mouvement populaire dans les années 1990s. L’oligarchie était submergée par les forces populaires qui exigeaient le changement, elle était sur la défense. Et même durant les trois années du coup d’État exécuté par les militaires, malgré la répression, le refus collectif et la résistance populaire étaient puissants et le pays s’acheminait vers le soulèvement général.

Mais, le problème d’Aristide, depuis son retour en 1994, c’est qu’il oublie que le fondement même de son succès politique est le réseau d’organisations de base, religieuses, paysannes et populaires. Il a chassé, diabolisé et découragé les militants conséquents de la gauche authentique qui avaient le courage de lui dire la vérité, incendiant les bureaux de partis politiques et les résidences privées de leurs leaders. Il a appliqué une politique de renforcement des gangs au détriment des structures politiques authentiques, celles qui avaient commis l’erreur de lui confier le capital politique de toutes les luttes sociales menées durant plus de trois décennies.

Ce genre d’approche de Joel Léon vise à diluer l’assassinat du président Jovenel Moise dans l’international, un mot qui veut tout dire et son contraire, en vue de créer le doute favorable aux assassins décriés dans de la capitale haïtienne comme le fameux Joel Joseph emprisonné actuellement aux Etats-Unis — un Lavalas très connu et trop proche d’Aristide au risque d’éclabousser le leader Lavalas.

Certes, il y a toujours des intérêts internationaux dans tous les crimes et coups d’État en Haïti. Mais, cela se fait toujours dans le sens contraire : Des acteurs locaux de l’oligarchie, représentants de groupes d’intérêts et la mafia internationale, construisent leur plan de coup d’État, puis ils voyagent à l’étranger à la recherche du support des grands blancs, ces colons absentéistes qui mènent une vie de luxe dans les capitales occidentales grâce aux ressources financières extorquées en Haiti, à partir du système d’extraction mis en place depuis l’assassinat de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines. 

Ces gens qui organisent leur influence sur les gouvernements occidentaux, participent au pillage du pays, ils détournent l’aide internationale au mépris de la misère des couches défavorisées qui croupissent dans les bidonvilles ou des paysans affamés du milieu rural. Toussaint Louverture s’est battu contre cette machine infernale d’influence constituée de colons résidant sur les plantations et de colons absentéistes installés à l’étranger qui assurent le blocage de tout effort de changement. Il les avait mis gentiment sur un bateau à destination de la métropole.

Il y a aussi des internationalistes naïfs de bonne foi qui croient aider Haïti en supportant un mouvement subversif. Mais, fondamentalement, c’est une question de rapports sociaux internes de domination et de mépris. La survivance du système esclavagiste se presente sous une forme nouvelle d’apartheid économique monopoliste d’exclusion de la majorité des haïtiens et renforcé par des préjugés de couleur, d’origine, de famille…de la discrimination systémique. Ne nous trompons pas de cible!

Alors, comme je l’ai répété à plusieurs reprises, 2022 n’est pas 1990 quand des démagogues affairistes avaient le contrôle des médias et manipulaient aisément le peuple haitien et les gens de bonne foi. Aujourd’hui, c’est différent !

Revenons sur le sophisme “international”!

Joël Léon doit nous expliquer pourquoi la République Dominicaine, la Jamaïque et tant d’autres pays de la Caraïbe peuvent-ils établir des relations avec la Chine et la Russie sans voir leur président assassiné par les Etats-Unis? 

Depuis 1962 la Jamaïque vend de la bauxite à l’URSS, en pleine guerre froide, pour construire ses avions, ses fusées et ses missiles. Aucun président Jamaïcain n’a été assassiné depuis lors. 

A la page 116 du livre “Dragon in the Caribbean” (China’s Global Re-Dimensioning Challenges and Opportunities for the Caribbean) de Richard L. Bernal, éd. NLJ, 2016, l’auteur présente la chronologie des relations des Etats de la Caraïbe avec la Chine de la façon suivante :

– Antigua (depuis Janvier 1983);

– Bahamas (depuis mai 1997);

– Barbados (depuis Mai 1977);

– Belize (Chine de 1987 à 1989) avec Taiwan depuis 1989;

– Dominica (depuis mars 2004);

– République Dominicaine (Taïwan depuis 1952) / puis avec la Chine depuis 2018;  

– Grenada (Octobre 1985 – Août 1989), Taïwan 1989-2005, retour à la Chine : Janvier 2005;

– Guyana (Chine depuis Juin 1972);

– Haïti (Taïwan depuis 1956);

– Jamaïque (Chine depuis Novembre 1972);

– St Kitts and Nevis (Taiwan 1983);

– Ste Lucia (Chine 1997-2007) / Taïwan (1984 -1997), retour à la Chine 2007;

– St Vincent and Grenadines (Taïwan, depuis 1981);

– Suriname (Chine depuis Mai 1976);

– Trinidad and Tobago (Chine depuis Juin 1974).

De plus, ce lien de recherche sur Google https://fr.wikipedia.org/wiki/Repr%C3%A9sentations_diplomatiques_de_la_Russie donne la liste des représentations russes à travers le monde. On y voit des petits pays de la Caraïbe, de l’Amérique latine, de l’Afrique, d’Asie….aucun des chefs d’Etats de ces pays n’a été assassiné à cause de l’établissement des relations avec la Russie.

L’adresse de la représentation de Russie en République Dominicaine est disponible sur Google :

Adresse:

Calle Mustafa Kemal Ataturk, 46 ans,

Santo-Domingo,

République dominicaine

Ambassadeur: Francisca Viginia Velázquez de Sinó,

Téléphone: (+1 809) 692 8524

Fax: Email: consuladoruso@gmail.com

Il faut cesser de prendre les haïtiens pour des cons ou des imbéciles qui avalent toutes vos âneries. 

C’est insulter les haïtiens et la mémoire de nos ancêtres quand vous nous dites que toutes ces petites-îles de la Caraïbe, dont certaines sont encore sous l’autorité de la Reine d’Angleterre, ont le droit d’établir des relations diplomatiques avec la Russie et la Chine, mais pas Haïti, la Première République Noire et indépendante du monde. Même quand ce texte ne vise pas à débattre de la position diplomatique d’Haïti entre Taiwan et la Chine, faire croire aux haïtiens qu’ils sont les seuls dans le monde à ne pas avoir la liberté de choisir en fonction de leurs intérêts, c’est les rabaisser au rang de sous peuple. C’est aussi la survivance de l’idée châtiment du maitre, le fameux coco macaque (koko Makak) qui dominait l “’imaginaire collectif institué” du temps de l’esclavage.  

C’est une vision ”tunnel” chez les Aristidiens de voir tout à travers l’international. Ce genre de discours zombifie le peuple haitien et tue chez lui le civisme, l’idée de responsabilité sur son environnement et la volonté de puissance. Elle perd sa fierté d’antan.

Pourquoi on ne peut pas comparer Aristide et Jovenel?

Si Jean-Bertrand Aristide a détruit toutes les institutions avec l’espoir que l’international, le blanc, “Mister President Clinton” allaient tout reconstruire pour lui, Jovenel Moise fit le contraire. Il croyait dans le rétablissement des institutions nationales comme l’Armée, les travaux publics, l’EDH, la production nationale, l’agriculture détruite à partir des années 1990s. C’est la raison pour laquelle il a renforcé les coopératives de production agricole dans l’Artibonite. D’entrée de jeu, il exigea le départ de la MINUSTAH et nomma l’état-major de l’Armée haïtienne. En 2019, suite au séisme dans le Nord-Est, il refusa l’aide internationale, déploya l’armée haïtienne et des unités des travaux publics. Il a eu le courage de déclarer persona non grata, la représentante de l’ONU Madame Susan Page qui humiliait Haïti par un communiqué inopportun et embarrassant, lors du Sommet de la CARICOM à Port-au-Prince en 2019. On n’avait jamais vu cela depuis François Duvalier.

Jovenel Moïse était l’homme de la “Reconquête nationale”. Alors, que pour Aristide/Lavalas, c’est la démarche contraire. Au pouvoir, Aristide avait toujours une demande internationale : de l’embargo, à l’occupation et sans compter les faveurs personnelles. L’Armée haïtienne fut démobilisée, la police sous-équipée, les entreprises publiques transférées à des oligarques corrompus membres de son parti Fanmi Lavalas ou de l’INITE sous prétexte de privatisation. Aristide, qui est le produit du globalisme catholique, dont tout dépend du Pape à Vatican, était l’homme idéal pour la gauche mondiale néolibérale qui militait en faveur de la marchandisation du monde au nom de la globalisation. Son passage au pouvoir a déstabilisé tout notre système traditionnel, historique et communautaire de sécurité, de production et d’autodéfense sur lequel était fondé notre résistance en tant que nation pendant plus de deux décennies.

L’ancien Président Américain Bill Clinton a témoigné, devant le Congrès Américain, de l’échec de sa politique de destruction systématique de la capacité de production agricole d’Haïti au profit des produits étrangers. Alors, il faut se poser la question : quel dirigeant haitien lui a permis de faire cela? La réponse est dans la question : Jean-Bertrand Aristide. 

Ann mobilize pou’n pa kite yo manipile pep la ankò!

“ Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est même de cette façon que cela s’est toujours produit. ” dixit Margaret Mead

Cyrus Sibert, Cap-Haitien, Haiti

9 Juillet 2022

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