Analyse Comparée: La Décentralisation amendée et le Projet de Nouvelle Constitution – LA SECTION COMMUNALE

399

Café civique du 29 avril 2021

Les Collectivités Territoriales, la Décentralisation
et les Rôles des Partis Politiques

Analyse Comparée:
La Constitution 1987 amendée
et le Projet de Nouvelle Constitution

LA SECTION COMMUNALE

” Il y a une autre canaille à laquelle on sacrifie le tout, et cette canaille est le peuple.”
Voltaire

” L’élite, c’est la canaille.”
Henry Becque

” Beaux yeux, coeur canaille.”
Proverbe guadeloupéen

Chères et chers compatriotes,

La thèse de doctorat du géographe français, Paul Moral, ” Le paysan haïtien”, constitue simultanément une dénonciation des de nos dirigeants politiques et un véritable plaidoyer pour les compatriotes appelés dédaigneusement ” Nèg andeò”. Privés de services publics les plus élémentaires du 1er janvier 1804 à nos jours, les paysans et les résidents des quartiers populaires dont les bidonvilles ont été mis à l’honneur dans la Constitution de 1987. Après huit législatures et 11 présidents dont 7 constitutionnels et 4 non constitutionnels, les fis et les filles des héritiers de la proclamation du 29 août 1793, c’est-à-dire de la liberté générale des esclaves, vivent constamment dans l’ignominie, la fange, la crasse et la misère atroce et l’ignorance de ces droits les plus élémentaires à la barbe des autorités et de toutes les familles politiques.


La vie infrahumaine dans laquelle pataugent nos compatriotes montre que le pays est une République néocoloniale sans les anciens colons. Notre Constitution et nos cinq (5) Décrets sur les Collectivités territoriales sont ignorés de nos présidents, de nos chefs de gouvernement, des membres du gouvernement , de nos parlementaires, de nos élites politiques et intellectuelles départementales ainsi que de nos élites communales. Le quotidien des “HABITANTS”, au sens haïtien du terme est indigne des gouvernants. ” Est (officium) regis tueri cives” (C’est le devoir d’un roi de protéger les citoyens). La démocratie participative prévue par notre cadre juridique n’a pas changé la vie dans la Section Communale.

Que faut-il penser des prescrits constitutionnels de la la Section Communale dans le Projet de Nouvelle Constitution par rapport à l’actuelle Constitution?

En effet, la Section Communale est instituée par la Constitution 1987 en son article 61: ” Les Collectivités Territoriales sont la Section Communale, la Commune et le Département”. Elle constitue le plus bas des trois (3) niveaux de Collectivités Territoriales. En d’autres mots, elle est la base, la fondation, le socle de notre DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE et elle participe de sa VITALITÉ CIVIQUE.

Insérée comme les deux niveaux supérieurs au titre V (5) de la SOUVERAINETÉ, au Chapitre I des Collectivités Territoriales et Décentralisation, mais à la Section A, cette Collectivité est développée en cinq (5) articles :

1) Art.62.- La Section Communale est la plus petite entité territoriale administrative de la République.
2) Art. 63.- L’Administration de chaque Section Communale est assurée par un Conseil de trois (3) membres élus au suffrage universel pour une durée de quatre (4) ans. Ils sont indéfiniment rééligibles. Son mode d’administration et de fonctionnement est réglé par la loi.
3) Art. 63.1.-Le conseil administratif de la section communale est assisté dans sa tâche par une assemblée de la section communale.
4) Art. 64.- L’État a pour obligation d’établir au niveau de chaque Section Communale les structures propres à la formation sociale, économique, civique et culturelle de sa population.
5) Art. 65.- Pour être membre du CASEC, il faut:
a) être Haïtien et âgé de 25 ans au moins;
b) avoir résidé dans la Section Communale deux (2) ans avant les élections et continuer à y résider;
c) jouir de de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante.

Se basant sur la dernière phrase de l’article 63, l’Administration Boniface Alexandre/Gérard Latortue, après la Loi du 28 mars 1996, fruit de la 46e législature, portant organisation de la collectivité territoriale de la section communale, a publié un ” Décret fixant l’organisation et le fonctionnement des Sections Communales conformément à la Constitution et dans la perspective de la fourniture adéquate des services publics à la population, du développement local et de la démocratie participative”. Ce Décret contient 154 articles et est daté du 1er février 2006.

À mon avis, chaque famille, en plus de la Constitution, doit se procurer une copie de ce Décret. Et pourquoi ne pas l’offrir en cadeau pour un anniversaire ou pour les fêtes de fin d’année ou encore pour une visite de courtoisie à une famille ou à une ASSOCIATION? Cet instrument juridique est un rempart civique contre l’arbitraire des dirigeants politiques qui nous considèrent comme des ignorants pour ne pas dire comme une ” CANAILLE”.
Je saisis l’occasion pour proposer à la Direction Commerciale du Journal Le Moniteur d’ouvrir non seulement des agences dans chaque Département géographique mais encore dans les Ambassades, les Consulats et les Missions Permanentes. Les Facultés et les Associations en consomment.

Et maintenant, quelle est la teneur du Projet de Nouvelle Constitution pour la Section Communale?

Dans le travail du Comité Consultatif Indépendant (CCI), cette collectivité est présentée au Titre IX (9), Chapitre IV (4) en 6 articles:
1) Art. 261.- La Section Communale est la plus petite entité territoriale administrative de la République.
2) Art. 262.- L’Administration de chaque Section Communale est assurée par un Coordonnateur de la Section Communale élu au suffrage universel pour une durée de cinq (5) ans. Il est indéfiniment rééligible.
3) Art. 263.- Le mode d’administration et de fonctionnement est réglé par la loi.
4) Art. 264 .- L’État a pour obligation d’établir au niveau de chaque Section Communale les structures propres à la formation sociale, économique, civique, et culturelle de sa population.
5) Art. 265.- Pour être Coordonnateur de la Section Communale, il faut remplir les conditions suivantes:
a) jouir de la nationalité haïtienne;
b) être âgé de vingt-cinq (25) ans au moins;
c) avoir résidé dans la section communale deux (2) ans avant les élections et continuer à y résider;
d) jouir de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante;
e) résider dans la Section Communale depuis cinq (5) ans avant la date de l’élection.
6) Art. 266.- L’organisation, le fonctionnement et les compétences de la section communale sont fixés par la loi.

En réalité, il ne s’agit pas de six (6) articles mais de cinq (5) car les articles 263 et 266 sont équivalents.

À présent, quels ont été les suppressions, les modifications, les ajouts et les articles non modifiés?

In limine litis, nous constatons avec amertume, colère et indignation la suppression de l’article 63.1 de la Constitution de 1987 amendée c’est-à-dire la mort juridique et sociale des NOTABLES et des ASSOCIATIONS qui forment le parlement de la Section Communale. L’Assemblée de Sections Communales (ASEC) , formée, d’une part, des Représentant(e)s de Collectivités Territoriales Rurales, d’autre part, de ceux et celles de Collectivités Territoriales urbaines appelées Délégués de Villes, constitue l’organe délibératif ou de contrôle du Conseil de Section Communale. Nous aimerions connaître la perception du Comité Consultatif des organisations de base qui sont les véritables forces vives de la République.
Avant d’analyser ce comportement anticivique, anti populaire et répulsif des 5 membres, je partage avec vous les articles suivants tirés du Décret relatif à la Section Communale:
1) Article 1.- Le présent Décret a pour objet de fixer l’organisation et le fonctionnement des Sections Communales, conformément à la Constitution et dans la perspective de la fourniture adéquate des services publics à la population, du développement local et de la démocratie participative.
2) Article 2.- La Collectivité Territoriale de la Section Communale constitue la plus petite entité administrative de la République. Elle est dotée de l’autonomie administrative et financière. Elle est désignée par le nom que la tradition lui assigne.

3) Article 4.-Le territoire de la Section Communale est organisé en quartiers, en habitations et en villages. Les quartiers sont des zones d’habitats rapprochés que ce soit EN MILIEU URBAIN OU RURAL. Les habitations sont des zones d’habitats dispersés identifiés comme tels par la tradition. On distingue l’habitation de 500 habitants ou moins, de la grande habitation qui en compte plus. Le village est le chef-lieu de la Section Communale. Il regroupe les services administratifs et sociaux de base de la Section Communale.
4) Article 6.- Chaque Section Communale est administrée par un organe exécutif: le Conseil d’Administration de la Section Communale (Casec) et par un organe délibérant ; l’Assemblée de Section Communale (Asec) . Les membres de l’Asec et du Casec sont élus pour quatre (ans) et sont indéfiniment rééligibles selon les modalités et conditions prévues par la Constitution et par la LOI électorale.

5) Article 7.- Le Conseil de Développement de la Section Communale (CDSC) est une structure participative des prises de décision, de planification, d’exécution, et de suivi des actions de développement de la Section Communale, intégrant les autorités locales, les représentants de la société civile locale et encadrée par les représentants du pouvoir central et des organismes de développement qui interviennent dans la Section Communale.
6) Article 15.- L’organisation de la Section Communale repose sur l’Assemblée de Section Communale (Asec), le Conseil d’Administration de la Section Communale (Casec), ses services techniques et administratifs et le Conseil de Développement de la Section Communale (CDSC).

7) Article 16.- L’Assemblée de Section Communale est un organe de participation de la société civile locale, de délibération et de contrôle portant sur les affaires propres aux Sections Communales. La durée du mandat des membres de l’assemblée est de quatre ans.
8) Article 17.- Les membres de l’Assemblée de Section Communale (ASEC) sont élus au suffrage universel direct au niveau de chaque habitation, quartier ou village, sur des listes de candidats proposées par les associations de ces habitations ou de ces quartiers régulièrement enregistrés à la Mairie de la Commune. La Loi détermine le nombre de membres à élire à l’Asec de la manière suivante:
° un membre par habitation ( moins de 500 habitants);
° deux membres par grande habitation ( plus de 500 habitants);
° deux membres par quartier;
° deux membres par village;

Voilà huit (8) des 154 articles bien pensés, bien écrits et bien articulés par les rédacteurs du décret et approuvés par deux (2) des cinq (5) membres du Comité qui l’avaient contresigné le 1er février 2006, en l’occurrence Me Boniface Alexandre, Président de la République et le Général Retraité Hérard Abraham, Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes.

Voilà les acquis de 2004-2006 que le Comité Consultatif Indépendant (CCI) a décidé de jeter à la poubelle sans un débat à ‘Assemblée Constituante.

Je ne saurais participer à cet attentat politique à cette violation des Droits des Collectivités Territoriales et de la Décentralisation!

Issu d’une modeste famille, d’un quartier populaire, engagé depuis 57 ans dans des mouvements associatifs dont 47 dans des Associations de Quartier, je rejette la teneur de ce texte et je demande aux défenseurs et aux protecteurs des Collectivités Territoriales de faire corps pour dire NON à la suppression des Assemblées de Section Communale, des Délégués de Ville, du Conseil d’Administration des Délégués de Villes et du Conseil InterDépartemental.

Qu’est-ce qui explique ce changement de vision politique de la part de nos deux retraités concernant les ASEC?

Est-ce un problème de budget? Est-ce un rejet des Sociétés civiles des quartiers populaires? Ces derniers sont-ils méprisables comme les affranchis l’étaient par rapport aux grands planteurs de la colonie de St Domingue?

Le peuple est-il une Canaille pour les cinq (5) membres du Comité?

D’après le sens littéraire, une canaille est un ensemble de gens méprisables. À Port-de-Paix, ma ville natale, nous appelons ” LAKANAY ou LAKANNAY”, les bandes à pied utilisées par les hommes politiques pour fêter leurs succès à une élection ou bien pour animer un meeting politique.

Si tel en est, le CCI se trompe car cette catégorie de compatriotes qui dansent pour une bouteille de clairin, pour quelques gourdes est nettement différente de la Société civile mentionnée aux articles 7 et 17. D’ailleurs, par nature, il n’existe pas de compatriotes supérieurs à un autre. Nous savons par contre que les niveaux socioculturels, les catégories socioprofessionnelles et socioéconomiques hiérarchisent la population. Il revient aux élites de diagnostiquer les faiblesses pour prendre des décisions éclairées et améliorer constamment les compatriotes par des programmes de formation permanente. Cette approche est bénéfique pour le pays, car elle augmente sa performance et sa compétitivité. On le voit avec la République Dominicaine.

Par ailleurs, Pour quels motifs le Maire a-t-il besoin d’une Assemblée? Pour quelles raisons le Conseil Départemental en a-t-il besoin? Pour quelles causes le Gouvernement a-t-il aussi besoin d’un Parlement? Et non pas le Coordonnateur de la Section Communale? Remplace-.t-il le Chef de section sous une appellation déguisée? Aucune compétence n’est définie comme dans le cas du Maire tandis que les Attributions du Département sont bien définies. Aurait-on besoin d’un soumis pour appliquer sans discussion avec la société civile organisée et non organisée ou non enregistrée à la Mairie?

Je me demande si les membres du CCI ont l’habitude de travailler avec les Associations de Quartiers pour comprendre le bouillonnement des idées, les réclamations des membres, leurs griefs et leurs attentes des autorités. C’est une insulte, c’est une infamie à cette société civile. Mes expériences de terrain à Port-de-Paix avec les Associations de mon quartier et des quartiers avoisinants, avec la Confédération des Organisations de la Société Civile du Nord-Ouest (COSCNO) et mes échanges avec des ONG et autres institutions ne me permettent pas d’accepter ce Projet de Nouvelle Constitution sans leurs consentements. Le CCI a parlé d’une visite à Port-de-Paix, la COSCNO et les Associations de Quartiers n’ont pas entendu parler de cette visite.

De plus, l’ex-Député Jerry Tardieu, Coordonnateur du Parti politique , EN AVANT, a dénoncé la méthodologie du Comité Consultatif Intérimaire dans la Grand’Anse. À leur arrivée, les membres ont distribué le document aux participant(e) s et leur a accordé deux heures de temps pour la lecture des 282 articles. Est-ce que c’est sérieux de la part de ces Universitaires et des chevronnés de l’Administration Publique? Pourquoi n’avait-on pas acheminé, un mois à l’avance, les documents aux associations de la Société civile de toutes Collectivités Territoriales de ce Département? C’est se prendre pour des patriciens et les autres pour des plébéiens.

Et qu’en est-il des articles modifiés et non modifiés?

Pour les articles non modifiés, nous en avons répertorié deux (2) il s’agit de l’article 62 devenu 261 et le 64 retranscrit en 264.
S’agissant de ceux modifiés, nous avons l’article 63 qui a été scindé en deux: la troisième et dernière phrase est quantifiée 263; pour les deux premières phrases, la seconde n’a pas varié mais la première phrase a modifié la Composition de l’Institution Section Communale. Comme la Mairie, le Conseil est remplacé par un seul membre. Donc, les consultations, les débats, le dialogue sont morts. En d’autres mots, les décisions sont prises unilatéralement par une seule personne. Nous avons les cas parfait de l’absolutisme du Coordonnateur-Roi sans aucun contrepoids. La soumission au pouvoir Central et au Conseil Départemental est plus facile et le Maire-Roi assure la courroie de transmission avec le Coordonnateur. L’arrogance, le népotisme et la corruption seront aussi plus aisés. Enfin, soulignons que le mandat est passé de 4 à 5 ans, soit une année de plus.

En résumé, toutes les Élections Indirectes sont supprimées. Avez-vous bien compris cela? Le Sénat a remporté une VICTOITE ÉCLATANTE MAIS INCIVIQUE. C’est la Consécration de l’Alliance Exécutif-Législatif. L’OPPOSITION n’a rien signalé, mais, comme elle a rejeté en bloc le Projet pour son inconstitutionnalité, nous avons l’espoir de revenir à la charge si le Sénat persiste avec la résolution.

Pour l’article 265 avec ses 5 alinéas, le 1er alinéa de l’article 65 de la constitution amendée a été divisé en deux (2) pour le Projet, c’est-à-dire devient a et b; le b devenu c dans le nouveau texte est resté tel quel, Il en est de même pour le c transformé d.
Le dernier alinéa e dans le Projet de Nouvelle Constitution stipulant: ” résider dans la Section Communale depuis 5 ans avant la date de l’élection est en contradiction avec le c du même article qui demande deux(2) ans. Me concernant, j’estime que la personne chargée du traitement de texte a oublié de supprimer cet alinéa. Et le lecteur chargé de passer la teneur au peigne fin ne l’a pas non plus remarqué.

En définitive, le Comité Consultatif Indépendant a exprimé une conception” archaïque” du pouvoir pour reprendre l’expression de Me Josué Pierre-Louis. Ce temps est révolu. Ce bâillon, cette “babouquette” qu’on veut imposer absolument à la société civile des quartiers, villages, habitations et de surcroît aux Assemblées de Sections Communales (ASEC), aux Délégués de Ville, aux Conseils d’Administration des Délégués de Villes et à la Fédération Nationale des Délégué(e)s de Ville d’Haïti (FENADEVIH) n’a pas et ne saurait avoir sa raison d’être.
C’est le Projet de Nouvelle Constitution qui sera jeté à la poubelle et non la Constitution 1987 amendée.

VIVE LA CONSTITUTION 1987 !
VIVE L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE !
VIVENT LES COLLECTIVITÉS TEREERITORIALES !
VIVE HAÏTI !

Patriotiques salutations
Hérard LOUIS

Comments are closed.