Analyse Comparative: La Constitution 1987 amendée et le Projet de Nouvelle Constitution – LA COMMUNE

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Café civique du 27 avril 2021

Les Collectivités Territoriales, la Décentralisation
et les Rôles des Partis Politiques

Analyse Comparative:
La Constitution 1987 amendée
et le Projet de Nouvelle Constitution

LA COMMUNE

” C’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser; il va jusqu’à ce
qu’il trouve des limites. Qui le dirait! La vertu même
a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. “Montesquieu, ” DE l’esprit des lois”, 1758, Livre XI, chapitre 4.

Chères et chers compatriotes,

Depuis la chute de l’Empire romain en 476 après J.-C.-, les territoires politiques se désagrègent au rythme de la force des dissidents, des séparatistes et des fondateurs de Liberté des BOURGS. Les historiens des entités territoriales font remonter la naissance de la Commune au Moyen-Âge européen. Devenue Municipalité royale sous l’Ancien Régime français, cette dernière renaît, après la prise de la Bastille, au soir du 14 juillet 1789. Les révolutionnaires de Paris agitent la question à l’Assemblée Nationale Constituante et cette dernière décrète, le 12novembre 1789, qu’ : ” Il y aura une municipalité dans chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne”. La Constitution de 1801 de Toussaint Louverture ignore la Municipalité car son article 2 énonce: ” Le territoire de cette colonie se divise en départements, arrondissements et paroisses”.

En Haïti, le concept de Commune a été transplanté sous la République avant la révolution de 1843. La législation communale a évolué en fonction des rapports de forces entre le Chef de l’Exécutif et les Parlementaires. Sous la dictature des Duvalier, le Président de la République avait supprimé les élections et, en fonction de sa volonté ou des recommandations de ses amis, publiait un Arrêté présidentiel nommant un Conseil Municipal de trois (3) membres. Avant la chute de Jean-Claude, des élections municipales ont été organisées. Dans ma Commune natale, Port-de-Paix, le candidat Hippias GASPARD l’avait emporté sur son adversaire Vasquez PHILIPPE. La chute du régime, le 7 février 1986, entraîna celle du Maire.

Sous la Constitution du 29 mars 1987, les premières élections municipales eurent lieu le 16 décembre 1990 lors des élections générales car, d’une part, celles du 29 novembre ont été boycottées par le Conseil National de Gouvernement, d’autre part, les élections du 17 janvier 1988 n’avaient pas prévu d’élections municipales. Faute de temps, c’est-à-dire en raison du coup d’État du 20 juin 1988, l’Administration du Président Leslie Manigat et du Premier Ministre Martial Célestin n’avait pas pu organiser des élections municipales et locales. Après, d’une part, 6 élections constitutionnelle au lieu de 9 en respectant le cycle électoral de 4 ans, d’autre part, des nominations de Conseil Municipal à chaque Coup d’État, enfin, de nominations de Conseil Intérimaire en raison d’élections non tenues, l’Exécutif et le Législatif n’ont jamais respecté le DROIT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DE LA DÉCENTRALISATION,

Comme au temps colonial, nous avons constaté divers antagonismes, c’est-à-dire, différentes contradictions entre non seulement, d’une part, entre le l’Exécutif et le Législatif, d’autre part, entre l’Exécutif et Les Communes, le Législatif et les Communes, mais encore, d’une part, entre les Conseils Municipaux et les Délégués de Ville, d’autre part, les Conseils d’Administration des Sections Communales et les Assemblées de Sections Communales.

Que nous apporte le Projet de Nouvelle Constitution par rapport aux actuels prescrits constitutionnels?

En premier lieu, le cadre juridique de l’existant se compose de la Constitution 1987 amendée, du Décret cadre de la Décentralisation et du Décret fixant l’organisation et le fonctionnement de la Collectivité Municipale dite Commune ou Municipalité. Ces deux derniers sont datés du 1er février 1986. Nous n’ignorons pas l’existence des Arrêtés Présidentiels ni surtout les différentes lois électorales qui ont modifié de nombreux Décrets et Arrêtés. Concrètement, quelles la teneur de la Constitution?

Les prescrits constitutionnels de la Commune sont insérés au Titre V, intitulé ” De la Souveraineté Nationale”, Chapitre I ” Des Collectivités Territoriales et De la Décentralisation” et la Section B ” De la Commune”, articles 66 à 74, bref, 10 articles. Quant aux deux (2) Décrets, ils sont respectivement composés de 168 et 239 articles. Nous nous contenterons seulement de la Constitution:
1) Art. 66.- La Commune a l’autonomie administrative et financière. Chaque Commune de la République est administrée par un conseil de trois (3) membres élus au suffrage universel dénommé Conseil Municipal.
2) Art. 66.1.- Le Président du conseil porte le titre de Maire. Il est assisté de maires adjoints.
3) Art. 67.- Le Conseil Municipal est assisté dans sa tâche d’une Assemblée Municipale formée notamment d’un représentant de chacune de ses sections communales.
4) Art. 68.- Le mandat du Conseil Municipal est de quatre (4) ans et ses membres sont indéfiniment rééligibles.
5) Art. 69.- Le mode d’organisation et le fonctionnement de la Commune et du Conseil Municipal sont réglés par la loi.
6) Art. 70.- Pour être élu membre d’un Conseil Municipal, il faut:
a) Être Haïtien;
b) Être âgé de vingt-cinq (25) ans accomplis;
c) Jouir de ses droits civils et politiques;
d) N’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante;
e) Avoir résidé au moins (3) ans dans la Commune et s’engager à y résider pendant la durée de son mandat.
7) Art. 71.- Chaque Conseil Municipal est assisté sur sa demande d’un conseil technique fourni par l’administration centrale.
8) Art. 72.- Le Conseil Municipal ne peut être dissous qu’en cas d’incurie, de malversation ou d’administration frauduleuse, légalement prononcée par le Tribunal compétent.

En cas de dissolution, le conseil départemental supplée immédiatement à la vacance et saisit le Conseil Électoral Permanent dans les soixante (60) jours à partir de la date de la dissolution en vue de l’élection d’un nouveau conseil devant gérer les intérêts de la Commune pour le temps qui reste à courir. Cette procédure s’applique également en cas de vacance pour toute autre cause.
9) Art. 73.- Le Conseil Municipal administre les ressources au profit exclusif de la municipalité qui rend compte à l’Assemblée Municipale qui elle-même en fait rapport au conseil départemental.
10) Art. 74.- Le Conseil Municipal a le privilège de veiller à la gestion des biens fonciers du domaine privé de l’État situés dans les limites de sa Commune par les services compétents conformément à la loi.
Et maintenant quelle est l’offre de du Projet de Nouvelle Constitution?

Comme je l’ai déjà relaté avec force, le Comité Consultatif Indépendant (CCI) a, d’après sa philosophie politique de la SOUVERAINETÉ, exclu les Collectivités Territoriales du Titre V (5) de la souveraineté, sur XV (15) que renferme la Constitution amendée et les a placées au Titre IX (9) à la fin de son PROJET de Nouvelle Constitution avant les deux derniers Titres X (10) et XI (11).

” En politique, nous disait Madame Yanick Lahens, à l’École Normale Supérieure, dans son cours de Critique littéraire, rien ne se fait sans arrière pensée.”

Dans ce Titre IX (9) , le chapitre IV (4) énumère en cinq (5) articles les principes constitutionnels de la Commune:
1) Art. 265.- La commune regroupe les sections communales.
La commune a l’autonomie administrative et financière.
2) Art.-257.- Chaque commune de la République est administrée par un Maire.
3) Art. 258.- Le Maire est élu au suffrage universel direct pour cinq (5) ans. Il est indéfiniment rééligible.
Le Maire est à la fois un agent de la commune et un agent de l’État, chargé de faire appliquer la politique nationale à l’échelon municipal.

Le Maire est assisté dans sa tâche d’une Assemblée Municipale composée des Coordonnateurs des sections communales de la commune. L’Assemblée municipale est un organe de délibération portant sur les affaires propres à la commune.

4) Art. 259.- Pour être élu Maire , il il faut remplir les conditions suivantes:
a) jouir de la nationalité haïtienne;
b) être âgé de vingt-cinq (25) ans;
c) jouir de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante;
d) être en règle avec le fisc, honorer à temps ses obligations fiscales;
e) être propriétaire d’au moins un immeuble ou exercer une profession ou un métier dans la commune;
f) résider dans la commune depuis deux (2) ans avant la date de l’élection.
5) Art. 260.- L’organisation, le fonctionnement et les compétences de la commune sont fixés par la loi.

Somme toute, après la présentation des deux textes, nous allons essayer d’analyser, demain 28, les conceptions politiques de l’Assemblée Constituante de 1987 et celles du Comité Consultatif Indépendant de 2021. En d’autres termes, quelles sont leurs inspirations politiques de leurs conceptions, de leurs visions de la société haïtienne?

Patriotiques salutations
Hérard LOUIS

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