Les relations sino-vénézueliennes à un niveau historique

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par Thierry Deronne

La cinquième visite d’État du président Nicolas Maduro en République populaire de Chine marque un tournant historique. Lors des retrouvailles avec son homologue vénézuélien, le président Xi Jinping a annoncé que la Chine et le Venezuela élèvent leur relation au partenariat stratégique «de tous temps et à toute épreuve» – un statut réservé aux «happy few». «Nous continuerons à soutenir fermement les efforts du Venezuela pour défendre la souveraineté nationale, la dignité nationale et la stabilité sociale. Nous le soutenons résolument contre l’ingérence extérieure» a ajouté le président chinois.

Xi a évoqué la réforme et l’ouverture de la Chine, en particulier le développement des zones économiques spéciales, et a indiqué que ces outils ont permis à la Chine de progresser pas à pas pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui. «L’établissement du partenariat stratégique de tous temps Chine-Venezuela répond aux attentes communes des deux peuples et correspond à la tendance générale du développement historique», a-t-il ajouté, exhortant les deux parties à «faire avancer une coopération stratégique plus fructueuse, à apporter de plus grands bénéfices aux deux peuples et à injecter davantage d’énergie positive dans la paix et le développement mondiaux».

Un peu d’histoire…

L’histoire des relations diplomatiques entre la Chine et le Venezuela a commencé en 1974, lorsque des relations diplomatiques formelles ont été établies et que l’existence d’une seule Chine a été reconnue par Caracas face aux tentatives séparatistes soutenues par l’Occident de certains secteurs politiques et économiques de Hong Kong et de Taïwan. Pour Nicolas Maduro, le passage des relations formelles nouées en 1974 au niveau actuel a commencé avec la visite du président Hugo Chávez en Chine en octobre 1999, porteur de la vision d’«équilibre du monde» de Simon Bolivar, et n’a cessé de se renforcer ensuite, notamment avec la visite du président Xi Jinping à Caracas en juillet 2014. Cette coopération a été freinée en 2018, lorsque les sanctions et le blocus occidentaux ont torpillé la fluidité de la coopération entre les deux pays. Dans cette étape, «douloureuse et difficiled’une économie de guerre» – plus de 900 mesures coercitives unilatérales, tout un système étanche de blocus financier, bancaire, pétrolier par lesquels les États-Unis et l’Union européenne ont fait perdre à l’État vénézuélien 99% de ses revenus -, «le Venezuela a pu compter sur l’aide de la Chine. Quand, par exemple, l’UE et les USA ont bloqué l’accès du Venezuela aux médicaments et aux vaccins pendant la pandémie, la Chine a envoyé son vaccin VeroCell qui a permis de protéger le peuple vénézuélien». Et quand l’Occident a empêché le Venezuela d’exporter son pétrole, c’est encore la Chine qui a ouvert son marché au brut vénézuélien.

Aujourd’hui, les deux pays signent 31 accords de coopération scientifique, technologique, industrielle, environnementale, éducative, de santé publique, et commerciale dans le cadre de l’initiative «Route de la Soie». Pour le président bolivarien, «une nouvelle étape s’ouvre, à un niveau plus élevé, historique, cohérente avec les défis du XXIe siècle. Cette relation va s’accélérer. Sa base concrète est dans les documents. Nul protocole, ni de bureaucratie : chacun doit obtenir des résultats à court, moyen et long terme. (…) Ces documents, a expliqué Nicolas Maduro, incarnent l’engagement à travailler bilatéralement dans les domaines de l’énergie – «l’épine dorsale» des accords, a-t-il souligné -, des finances et de la monnaie, en renforçant la capacité du yuan, de l’économie, du commerce et de l’industrie, ainsi que dans le domaine de l’éducation commerciale pour la phase d’exportation de notre production» : la Chine va augmenter ses importations du Venezuela, notamment des produits de la pêche en mer Caraïbe.

Autre point développé par Maduro : «Nous allons progresser dans le domaine minier ; le potentiel industriel du Venezuela dans ce domaine est important si l’on tient compte des grandes réserves certifiées non seulement de pétrole et de gaz naturel mais aussi de cobalt, d’or, de diamants, de nickel, de bauxite, de fer, parmi d’autres matériaux fondamentaux dans les chaînes de production mondiales, et d’un intérêt particulier pour les industries chinoises et le développement scientifique. (…) Une zone économique spéciale de 9 millions d’hectares sera décrétée dans la partie orientale du Venezuela qui dispose d’un potentiel agricole», où la vocation d’exporter des produits agroalimentaires vers la Chine sera également développée.

L’objectif essentiel des zones économiques spéciales, selon la législation vénézuélienne en vigueur, est de développer des mécanismes d’investissement public et privé, national et étranger, d’intérêt stratégique pour l’État vénézuélien. Leur centre d’activité consisterait à stimuler les développements antérieurs et à promouvoir de nouvelles activités dans des domaines tels que l’industrie, la science et la technologie, le tourisme et le commerce de biens et de services. Plusieurs documents sont en cours de signature pour poursuivre et approfondir la coopération aérospatiale – la Chine a largement contribué à doter le Venezuela de satellites d’observation dans les dernières années – dont «l’intégration au projet de station lunaire», ainsi que dans le domaine du tourisme aérien. «Conviasa, la compagnie publique aérienne du Venezuela, est prête à assurer un vol direct Chine-Venezuela».

Sans oublier les échanges en matière de formation politique et de travail social, entre le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV, le parti chaviste) et le Parti communiste chinois (PCC). Car on aurait tort de croire que ces accords ne concernent qu’un volet strictement économique. Durant ce voyage le président Maduro, s’est entretenu avec plusieurs responsables régionaux du Parti communiste ainsi qu’avec le directeur général du Centre international de réduction de la pauvreté de Chine, Liu Junwen (photo ci-dessous) pour signer d’autres accords de coopération. Fondé en 2005, le Centre international de réduction de la pauvreté est non seulement un canal stratégique pour le développement de la coopération Sud-Sud, mais aussi une plateforme de recherche, de formation, d’échange et de coopération pour contribuer à la cause de l’éradication de la pauvreté dans le monde.

La République populaire de Chine a réussi à sortir 800 millions de personnes de la pauvreté, dont 100 millions sous l’administration du président Xi Jinping. Dans les zones rurales, le taux de pauvreté est passé de 10,2% en 2012 à 0,6% en 2019, tandis que la population à faible revenu a diminué de 98,99 millions en 2012 à 5,51 millions en 2019.

Le Venezuela consacre 77,1% du budget national à l’investissement social. Il est le seul pays au monde à accorder une attention prioritaire à la population en renforçant la production, l’achat et la distribution de denrées alimentaires à un prix symbolique, (système des CLAP), ainsi que les programmes de logement (près de 5 millions de logements à bas prix depuis le lancement de ce programme par Hugo Chávez), d’éducation, de santé et de sécurité sociale.

Les deux nations vont par ailleurs renforcer leur collaboration dans le cadre de mécanismes multilatéraux tels que les BRICS, les Nations unies, le G77+Chine, et renforcer la solidarité et la coopération avec d’autres pays émergents. Elles défendront les intérêts communs de ces derniers et encourageront la coopération entre la Chine et l’ensemble de l’Amérique latine et des Caraïbes.

Au début de son séjour en Chine, Nicolas Maduro a retrouvé une vieille amie : l’ex-présidente du Brésil Dilma Rousseff, actuelle présidente de la Banque de Développement des BRICS (installée à Shanghai), pour plancher ensemble sur une architecture financière libérée des sanctions occidentales et des chantages politiques du dollar. Il lui a exprimé l’intention du Venezuela d’adhérer en tant que membre à part entière aux BRICS et d’ici là «de demander notre incorporation à leur Nouvelle Banque de Développement».

«Sous la direction du président Xi Jinping, la Chine est devenue un grand pays engagé en faveur de la paix, du développement et du bien-être de toute l’humanité, ainsi qu’un moteur important pour la promotion d’un monde multipolaire. Entre la Chine et le Venezuela existe un type de relation qui peut être considéré comme un modèle pour les relations entre les pays du Sud. Un modèle de ce que doit être la relation entre une superpuissance comme la Chine, la grande superpuissance du XXIe siècle, et un pays émergent, héroïque, révolutionnaire et socialiste comme le Venezuela» a conclu Nicolas Maduro.

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