Les mensonges de l’histoire dans l’enseignement

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Les manuels des classes de collège de la sixième à la troisième sont signés « par une équipe d’enseignants africains ».

Qui sont ces enseignants anonymes ? Nous n’avons aucune information sur leur identité encore moins sur leurs compétences. Il est parfois mentionné au début du manuel « coordination Sophie le Callennec ». Or Sophie le Callennec n’est pas africaine. Si elle ne fait pas sûrement partie de l’ « équipe d’enseignants africains » alors à quel titre intervient- elle ?

Manifestement on veut donner l’illusion que ces manuels sont l’œuvre d’africains sans doute pour ne pas heurter les sensibilités nationales des lecteurs. Alors qu’en réalité ces enseignants africains travaillent vraisemblablement sous le contrôle intellectuel d’une historienne non africaine.

La direction de la rédaction d’un manuel d’histoire ivoirien par un historien non africain ressortissant de l’ancien pays colonisateur est un choix malheureux de la maison d’édition française.

A ce propos, voici la position de l’historien Joseph. Ki – Zerbo. : « De même, autant le concours de tous les savants est nécessaire pour produire des monographies, et même des études générales sur l’histoire de l’Afrique, autant l’interprétation générale de ce passé et la confection des manuels d’histoire de l’Afrique à l’usage des jeunes citoyens africains, doit incomber avant tout à des historiens africains? Ceux – ci ont pour vocation pour éduquer leur concitoyens » [1]

De ce qui précède une grave question se pose. La Côte d’Ivoire a-t-elle donc perdu l’initiative historique et politique de l’écriture de ses manuels d’histoire ? Aussi est-on amené à s’interroger sur les rapports que l’Etat de Côte d’Ivoire entretint avec l’histoire ? On se souvient que l’écrivain Bernard Dadié a révélé dans un article du journal « le jour », l’autodafé de manuels d’histoire dans les années 1960 [2] par des autorités académiques. 

[1] Joseph Ki –Zebo, Histoire de l’Afrique noire d’hier à aujourd’hui, Paris Hatier, page 29.

[2] « Un livre parlant de cet homme n’a-t-il pas été brulé dans la cour de l’Académie ? Sur ordre de qui ? C’est homme, c’était Gabriel Dadié » dans Bernard B. Dadié, Cailloux blancs, chroniques, Abidjan, NEI/CEDA, 2004. Page 23. Il s’agit d’après nos enquêtes du premier manuel d’histoire ; André Clérici (sous la direction), Histoire de la Côte d’Ivoire, Abidjan, CEDA, 1962

 2 – L’absence d’un paradigme « civilisationel »

Le constituant ivoirien proclame : « L’Etat a le devoir de sauvegarder et de promouvoir les valeurs nationales de civilisation ainsi que les traditions culturelles non contraires à la loi et aux bonnes mœurs »[1]. L’Etat ivoirien a donc un projet culturel qui s’enracine naturellement dans les traditions négro-africaines. C’est l’une des fonctions de l’éducation et en particulier de l’histoire de porter le projet de civilisation de la société car l’enseignement doit être organisé autour des intérêts et des buts de la société afin d’assurer la reproduction de celle-ci.

Or une des caractéristiques de la civilisation négro-africaine c’est qu’elle repose sur les humanités classiques égypto-nubiennes, socle de l’unité culturelle africaine.

C’est Cheikh Anta Diop qui rendra le mieux compte du paradigme « civilisationel » africain ;

« Les nouvelles humanités africaines devront reposer sur les fondements de la culture égypto-nubienne, de même que les humanités occidentales s’appuient sur la culture gréco-romaine antique. Sans référence systématique à l’Egypte dans tous les domaines de la culture, il ne sera pas possible de bâtir un corps de sciences humaines : le spécialiste africain qui veut faire œuvre scientifique n’a pas le choix, il ne peut pas se contenter de flirter avec les faits culturels égyptiens »[2].

Aussi les pédagogies africaines doivent avoir pour paradigme le complexe égypto –nubien ancien.[3]

Or l’analyse des manuels d’histoire examinés dans cette étude montre que les auteurs ne prennent pas à leur compte cet héritage des humanités classiques africaines.

Tout au contraire les auteurs, à la suite des « africanistes », falsifient honteusement l’histoire en s’employant à « couper » l’Egypte ancienne » du reste du monde négro-africain pour la rattacher à l’Orient. Or comme le souligne C.A. Diop « l’orientalisme » est une frustration pour les africains.

[1] Article 7 de la Constitution de Côte d’Ivoire de 2000.

[2]Cheick Anta Diop, Antiquité Africaine par l’image, Paris, Présence Africaine, 1967. Page 12.

[3] Théophile Obenga , « Hommage à Anténor Firmin (18850-1911), égyptologue haïtien, ANKH N°17 année 2008, 132-143.

3 – L’absence du temps historique et de l’unité culturelle africaine

L’histoire africaine telle qu’elle se donne à voir dans ces manuels nie l’unité historique et culturelle du continent. Et pourtant les travaux de Cheikh Anta Diop et Théophile Obinga ont définitivement réglé la question.

En effet, « L’œuvre de Cheikh Anta Diop a introduit le temps historique et l’unité culturelle dans les études africaines, sortant l’Afrique du carcan anhistorique et ethnographique dans lequel les historiens africanistes traditionnels l’avaient enfermée » [1].

En 1993, Théophile Obinga, dans un livre fondateur de la linguistique historique africaine, [2] démontre la parenté génétique des langues Negro –Africaines et en tire des grandes conséquences ; l’existence d’un ancêtre commun pré-dialectal qui est le « Negro – Egyptien ; une civilisation commune existe de ce fait, unissant tout le domaine du négro africain; l’Egypte pharaonique est la toute première grande civilisation historique apparue dans le domaine du Negro – Africain.

L’aspiration de tous les états africains et des africains du continent et de la diaspora est de construire une fédération politique panafricaine. L’Union africaine et toutes les autres organisations régionales dites d’intégration seraient l’un des moyens stratégique pour atteindre cet objectif politique

Mais comment construire un avenir commun, si l’enseignement de l’histoire dissimule et minorise le destin commun qui lie tous les africains depuis la genèse de l’humanité.

C’est sans doute pour cette raison que Molefe kete Asante a pu écrire dans un livre fondateur de l’afrocentricité :

« Depuis le dix – huitième siècle, nos penseurs cherchent à établir notre union politique et économique…Cette quête a engendré de faux espoirs, et d’opter pour des illusions nous a fatigués de la rhétorique de l’unité. Ce n’est pas l’unité que nous devons rechercher, c’est la conscience collective. » [3] Or l’histoire en est le fondement.

[1] Obinga , Théophile Cheikh Anta Diop, Volney et le Sphinx ; contribution de Cheikh Anta Diop à l’historiographie mondiale, Paris, Présence Africaine/Khepera, 1996, p.417

[2] Obinga Théophile, Origine commune de l’Egyptien ancien du copte et des langues Negro – Africaines modernes; introduction à la linguistique historique africaine, Paris, l’Harmattan, 1993.

[3] Asanté Molefi Kete, L’afrocentricité, traduction Ama Mazama, Paris, Editions Menaibuc, 2003, page 53.

4 – La genèse de l’humanité

A propos de l’apparition de l’homme sur la terre, les auteurs de ces manuels présentent sous forme très hypothétique la naissance de l’homme moderne en Afrique :

« L’on peut supposer que l’Afrique, où les premiers hommes sont apparus, a été le premier continent habité »[1].

Pourtant en l’état actuel des connaissances, l’apparition de l’homme en Afrique n’est plus une simple hypothèse mais un fait vérifiable.

La chronologie des grandes étapes des découvertes scientifiques et recherches l’atteste.

1880 : Charles Darwin fût le premier scientifique à publier une théorie moderne sur l’évolution et sur l’origine de l’homme. Il fut aussi le premier à désigner l’Afrique comme son lieu d’origine (R. Leakey, 1980).

1954 : Cheikh Anta Diop soutient la thèse du monogénétisme et de l’africanité de l’humanité

1959 : Louis et Mary Leakey interprétant pour la première fois les fouilles de Olduva en Tanzanie confirment l’origine africaine de l’humanité.

1967 : le paléontologue Louis Leakey découvre deux crânes fossiles Omo 1 et Omo 2 à Kibish dans le sud de la rivière Omo en l’Ethiopie. Ils sont datés de 130 000 ans avant l’ère chrétienne.

1997 – 2003 : Fouilles archéologiques dirigées par Tim Wite et Berhane Asafaw près du village de Herto en Ethiopie. L’équipe met au jour deux crânes d’adultes et celui d’un enfant près du village de Herto, dans la dépression de l’Afar à l’Est de l’Ethiopie. C’est le genre homo sapiens Idaltu. L’âge obtenu par la méthode argon est fixé entre 154 000 et 160 000 ans avant l’ère chrétienne. Cette découverte confirme l’origine africaine de l’homo sapiens sapiens. Il met en relief toute la chaîne de l’évolution en Ethiopie.

En 2005, les fossiles omo 1 et omo 2 découvertes par Louis Leakey font l’objet d’une nouvelle datation entreprise par une équipe de chercheurs américains et australiens dirigée par Ian Mc Dougall à partir des sédiments rocheux d’où les deux fossiles avaient été extraits en 1967. La méthode isotopique à l’argon a permis de conclure à une datation de 195 000 (+-5000 ans) avant l’ère chrétienne. Ce sont aujourd’hui les plus vieux ossements d’Homo sapiens sapiens ou hommes modernes découverts[2]. Précoces et africains. Ces fossiles renforcent l’hypothèse d’une origine commune et africaine de tous les hommes actuels

Luigi Luca Cavalli – Sforza, généticien à l’Université de Standford, confirme l’origine monogénétique, de l’humanité à partir de l’ADN.

Le savant africain Théophile Obenga a cette belle formule :

« Le moment le plus puissant et jamais renouvelé que l’humanité ait vécu fut précisément ce moment exceptionnel où l’homme se trouva homme sur le sol africain »[3].

Par la suite, de nombreux scientifiques dans des disciplines diverses viendront par les résultats de leurs recherches conforter la thèse de l’origine africaine et monogénétique de l’humanité. Ainsi Yves Coppens, Gunter Brauer, Donald Johanson, Richard Leakey, Stephen Jay Gould et Maurice Taîb en paléontologie humaine, Rebecca L. cann, M. Stoneking et Allan C. Wilson en Analyse des distances génétiques, Richard Lewontin en Technique de l’électrophorèse ; Joseph H. Reichholf en biologie et écologie[4].

Tous démontrent que l’espèce humaine a une origine commune venue de l’Afrique de l’Est au niveau de l’homo erectus, du néandertalien, de l’Homo sapiens sapiens[5].

Comment peut- on alors encore parler d’hypothèse ? Les auteurs font semblant de ne pas être à jour sur cette question afin de dissimuler aux enfants l’origine africaine de l’humanité.

Pourtant les auteurs présentent une carte dans le même « chapitre 8. Les premiers hommes ». Cette carte intitulée « le peuplement de la terre » montre sans équivoque le peuplement à partir de la vallée du Nil selon la thèse monogénétique. Mais les auteurs restent silencieux sur la signification de cette carte.

Il y a un autre paradoxe, le texte intitulé « l’Afrique berceau de l’humanité » est un extrait des œuvres de Leopold Sédar Sengor daté de 1967. Celui – ci est connu pour être un grand poète. Pourquoi préférer l’argumentaire d’un poète à celui d’un scientifique comme Cheikh Anta Diop qui a établi les fondements scientifiques de cette thèse ?

[1] Une équipe d’enseignants africains, Histoire géographie, 6 e. Paris: CEDA, Groupe Hatier international, 2001. Page 24.

[2] Nature, vol 433, 733, 736 année 17 février 2005

[3] Théophile Obenga, Cheihh Anta Diop, Volney et le sphinx, Présence Africaine/Khepera, Paris, 1996. Page 236.

[4] Théophile Obenga, Cheihh Anta Diop, Volney et le sphinx, Présence Africaine/Khepera, Paris, 1996, page

[5]Théophile Obenga, Cheihh Anta Diop, Volney et le sphinx, Présence Africaine/Khepera, Paris, 1996, page 236.

5 – La naissance de l’art et de la pensée symbolique

Les auteurs des manuels d’histoire utilisés dans les collèges ivoiriens évitent soigneusement de dire que l’art est né en Afrique.

Ils notent dans le manuel de sixième :

« En Europe les plus anciens vestiges d’art datent d’il y a 35 000 ans »[1].

C’est en 1940 que H. Breuil authentifie les grottes de Lascaux et en fait une première description. La datation de la grotte par W.F Libby au carbone 14 donne de 17 000 ans avant l’ère chrétienne c’est-à-dire dans le Magdalénien.

Ainsi et jusqu’à la fin des années 1990, de nombreux chercheurs, sur la base des peintures rupestres des grottes de Lascaux ou Chauvet, étaient convaincus que la révolution culturelle des homo Sapiens Sapiens venant d’Afrique, avait eu lieu en Europe et en France en particulier.

Mais une autre datation de la dame de Brassempouy (tête de femme en ivoire) donne 23 000 avant l’ère chrétienne.

Mais de nouvelles découvertes vont remettre en cause cette thèse ;

1950. Découverte de l’os d’Ishango par un géologiste belge du nom de Jean de Heinzelin. La connaissance des mathématiques par les africains est attestée aux sources du Nil 25 000 ans avant l’ère chrétienne[2].
Années 1970 : La découverte de l’os de Lebombo entre la République Sud – africaine et le Swaziland permet d’attester plus loin encore dans le temps de la réflexion mathématique chez les africains soit 35 et 37 000 ans avant l’ère chrétienne.
A partir de 1991, C.S. Henshilwood conduit des fouilles dans la grotte de Blombos en RSA. Les pierres gravées et les coquillages trouvés dans la grotte montrent, que l’art graphique et la pensée symbolique sont apparus depuis bien longtemps en Afrique, vers 77 000 ans avant l’ère chrétienne.
Cet ocre gravé (voir annexe) qui comporte une série de lignes parallèles est la première attestation connue à ce jour de l’existence de la « pensée symbolique » qui caractérise l’homme moderne (l’homo sapiens sapiens).

En rapportant la date des anciens vestiges d’art européens et en faisant le silence sur celles d’Afrique qui sont pourtant plus ancienne encore, les auteurs laissent entendre qu’il n’existe pas d’attestation ancienne de l’art en Afrique. Cette présentation tronquée de la réalité est une manipulation qui vise à tromper l’apprenant. Nous avons la preuve que la falsification de l’histoire par les auteurs est une entreprise consciente car la manipulation ne relève pas de la science mais de la prestidigitation.

Per ankh Kemetmaat

[1] Une équipe d’enseignants africains, Histoire géographie, 6 e. Paris: CEDA, Groupe Hatier international, 2001.page 24.

[2] Ankh n°12 et 13. 2003 -2004.

SOURCE: Afrocenticity internationnal

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