Rosatom pourrait lancer la construction de trois centrales nucléaires au Mali d’ici deux ans

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par Alyona Fokina et Dmitry Nikitin

Rosatom pourrait lancer la construction de trois centrales nucléaires au Mali d’ici deux ans. C’est ce qu’ont déclaré à African Initiative le propriétaire d’une société énergétique au Mali et un interlocuteur proche du gouvernement du pays. La construction pourrait être achevée en 2030, tandis que des spécialistes maliens suivent la formation en Russie pour travailler dans les futures installations, ont déclaré les interlocuteurs.

En octobre dernier, la Russie et le Mali ont signé un protocole d’accord sur la coopération dans le domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire selon le site de Rosatom. Ce document définit les tâches prioritaires de la coopération, les outils et les domaines de travail commun. Parmi ceux-ci figurent le développement de l’infrastructure nucléaire du Mali, les recherches fondamentales et appliquées, ainsi que la formation du personnel, les installations de recherche nucléaire et l’énergie nucléaire.

Le 25 mars, les deux pays ont signé une feuille de route pour la coopération dans le domaine de l’énergie nucléaire civile. Le document définit des mesures concrètes pour renforcer les capacités des ressources humaines du pays ouest-africain dans le domaine de l’atome à des fins pacifiques et pour développer l’infrastructure nucléaire, a rapporté l’agence TASS.

Selon les interlocuteurs d’African Initiative au Mali, les documents conclus sont des préparatifs pour des projets nucléaires dont la réalisation pourrait commencer en l’espace des deux prochaines années.

«Je peux confirmer [les projets de construction], car l’État a déjà commencé à former des spécialistes. Nous travaillons avec Rosatom dans ce domaine pour construire 3 centrales nucléaires au Mali», déclare à AI le propriétaire d’une société privée travaillant dans le secteur de l’énergie au Mali. Selon lui, la construction pourrait commencer d’ici deux ans et certaines des centrales pourraient être opérationnelles en 2030.

Selon Adama Diabate, membre du Comité indépendant de suivi-évaluation de la mise en œuvre des recommandations des Assises nationales de la refondation du Mali, des Maliens suivent déjà la formation en Russie pour travailler dans les futures centrales électriques. Il a donné le même terme pour le début de la construction, mais n’a pas confirmé l’achèvement du projet en 2030.

En réponse à une demande de l’African Initiative, Rosatom a indiqué que la société d’État aidait le Mali à mettre en œuvre le concept de l’AIEA intitulé «Étapes du développement d’une infrastructure nationale pour l’électronucléaire», nécessaire à la création de centrales nucléaires sur le territoire de la république. L’agence identifie 19 éléments de développement de l’infrastructure nucléaire, dont la création d’un cadre juridique et réglementaire, le développement des ressources humaines, la radioprotection, la planification d’urgence et la protection de l’environnement, ainsi qu’un système de traitement des déchets nucléaires.

Pour le moment, Rosatom a déjà acquis de l’expérience dans la construction d’installations nucléaires en Afrique. En mai 2023, la construction de la centrale nucléaire d’El Dabaa en Égypte a commencé. En 2022, il a été signalé que la construction pourrait être achevée en 2028-2029.

Construction de la centrale nucléaire d’El Dabaa en Égypte

«El Dabaa» est la première centrale nucléaire d’Égypte. L’installation se composera de 4 unités d’une capacité de 1200 mégawatts chacune avec des réacteurs à eau. La Russie dispose déjà de quatre unités équipées de réacteurs de cette génération : deux sur les sites des centrales nucléaires «Novovoronezhskaya» et «Leningradskaya».

Toutefois, outre les grandes centrales nucléaires, Rosatom peut également proposer à ses partenaires la construction de petites installations, note Alexander Ouvarov, spécialiste de l’énergie nucléaire et rédacteur en chef d’Atominfo.ru, lors d’un entretien.

«Il ne s’agit pas des centrales nucléaires de 1200 mégawatts dont nous avons l’habitude d’entendre parler. Il y a aussi de petits réacteurs, de 50 à 60 mégawatts, appelés RITM-200N. Et je pense que pour l’Afrique, ces réacteurs sont tout simplement meilleurs pour l’instant. Il n’y a probablement pas de gros consommateurs là-bas, seulement 20 millions de personnes», explique Ouvarov lors d’une conversation avec un correspondant d’AI.

Selon l’expert, un tel projet sera beaucoup moins coûteux et constituera une occasion pratique de «roder» son personnel sur un petit réacteur avant de passer à de grandes installations.

«La formation du personnel étranger a lieu en Russie, sur nos sites. Ensuite, notre personnel sera présent pour la construction, l’installation, le démarrage et, pendant un certain temps, avec le personnel local qui sera formé en parallèle, il y aura un certain nombre de nos spécialistes. Il s’agit d’une pratique courante à l’étranger», a déclaré Ouvarov.

La technologie des petits réacteurs nucléaires est élaborée depuis l’époque soviétique et, jusqu’à récemment, elle n’était utilisée que sur les brise-glaces nucléaires. Aujourd’hui, Rosatom a un projet de petit réacteur terrestre, dont le premier sera construit dans une région reculée de Yakoutie pour alimenter en électricité le gisement d’or de Kutchous. La construction devrait commencer en 2024, l’unité devrait être démarré en 2027 et être mise en service en 2028.

«Ces technologies ont déjà été mises au point pendant des décennies sur les brise-glaces nucléaires soviétiques, mais il n’y a guère de besoin de petits réacteurs terrestres sur notre territoire. Il y a des besoins dans les régions éloignées, c’est pourquoi ils vont construire une telle centrale en Yakoutie», a conclu Ouvarov.

Selon l’Agence internationale de l’Énergie, au début de l’année 2021, 43% de la population africaine, soit environ 600 millions de personnes, n’auront toujours pas accès à l’électricité. Dans le même temps, 590 millions d’entre elles vivent en Afrique subsaharienne. De nombreuses personnes sur le continent africain, comme au Zimbabwe, sont obligées de travailler la nuit car c’est le seul moment où le secteur dispose de suffisamment d’électricité. Le manque de l’approvisionnement en énergie stable ralentit sérieusement la croissance économique sur le continent. Dans un contexte de crises énergétiques régulières et de besoins énergétiques croissants, les initiatives de la Russie pourraient bien définir le paysage énergétique du continent pour les décennies à venir.

Selon le ministre malien de l’Économie et des Finances, Alousseni Sanou, la première étape de la coopération énergétique entre les deux pays «concernera l’utilisation de l’énergie nucléaire dans la médecine, l’agriculture et bien d’autres secteurs. La création de trois ou quatre centrales nucléaires permettra de développer la production d’énergie pour atteindre l’autosuffisance dans ce domaine».

Malgré les nombreuses évaluations positives de la coopération russo-malienne dans le domaine de l’énergie nucléaire, le journal panafricain The Continent a exprimé des doutes sur l’initiative, la qualifiant de solution plus politique que pratique. Selon des journalistes africains, la construction de centrales solaires est une option plus favorable pour le développement énergétique. En mars, il a été rapporté que Novavind, une filiale de Rosatom, s’apprêtait à signer des accords pour la construction de deux centrales solaires au Mali d’une capacité de 150 mégawatts chacune.

source : Afrique Média

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