TI BEN EST MORT

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07/05/2021

Par Me Maurice CELESTIN-NOEL LECHAPEAUTEUR

Ti ben, c’est ainsi qu’on l’appelait à Port-de-Paix, à Saint Louis du Nord, disons dans le Nord’Ouest d’Haïti. Mais qui n’a pas connu le personnage de son nom de baptême Louis-Marie Benoit Pierre et de son nom de plume Dieudonné FARDIN? À préciser que feu son père se nommait Benoit Pierre. Donc, lui était le junior, d’où le petit Benoit, d’où Ti Ben devenu le chouchou, la fierté des gens du Nord- Ouest pour son parcours, ses prises de position et surtout pour son combat contre la dictature et les dérives de notre société.

Il a commencé sa lutte à Port-de-Paix aux cotés de jeunes travailleurs intellectuels du Nord-Ouest dans le mouvement KAKACHAT qui dénonçait avec force, à peine voilé, la mauvaise gouvernance et les crimes du gouvernement de François DUVALIER. À une époque durant laquelle la peur était installée partout dans le pays, ces fils du Nord’Ouest exprimaient vertement leur colère, leur refus de collaborer avec le gouvernement sanguinaire de DUVALIER. Ils affichaient et signaient leur hostilité sur les colonnes du PETIT SAMEDI SOIR. Feu Alexis LECLERC, Carl DOMINIQUE, Théodore ACHILLE junior, feu Loubet D.REGNIER, Hérard JADOTTE, Cauvin PAUL, Hérodote MEGALOS, les jeunes Jean L.THEAGENE et feu Gérard D.SANTIAGUE, Edy PIERRE et bien d’autres publiaient des articles dans cet hebdomadaire lu un peu partout dans le pays.

Malgré les menaces, les persécutions, FARDIN ne lâchait pas prise. Son combat était incessant. Il veillait aussi sur la cité. La place CAPOIS LAMORT a eu naissance grâce à lui. Secrétaire au lycée Tertulien GUILBEAUD, enseignant dans des collèges privés de la ville, lui et son cousin Hérard JADOTTE, ont initié l’enseignement de la littérature haïtienne dans les écoles. Leur manuel de littérature haïtienne a été adopté dans tous les établissements scolaires et a fait parler de ces deux auteurs comme on parle du loup blanc. Les noms FARDIN et JADOTTE sont retenus comme étant les pères de l’enseignement de la littérature haïtienne dans le pays.

Craignant pour sa vie, parents et amis, lui conseillèrent de rentrer à Port-au-Prince. Sur le plan personnel, pour son rayonnement, cela a été une idée heureuse. Arrivé à la capitale, FARDIN n’avait pas tardé à se tailler un nom enviable. Il a vite eu du relief qui a fait bien des jaloux.

LE PETIT SAMEDI SOIR a pris une ampleur qui a dépassé ses espérances. Il a enseigné la littérature haïtienne un peu partout, dans les collèges les plus connus. Rapidement, il était devenu un homme qui se passe de présentation. En effet, qui ne connaissait pas FARDIN? De tempérament froid, plûtot paisible, timide sur les bords, Dieudonné FARDIN réservait pourtant et toujours un accueil chaleureux à ses amis. Très compatissant, très solidaire, il n’abandonnait jamais les siens dans le malheur. Je suis témoin de l’étendue de son attachement à feu mon cousin Ernest BENNETT, qui, s’il vivait encore, aurait chaudement pleuré sa mort.

Fardin, pour parler de nos relations personnelles, je le considérais comme un frère du Nord’Ouest de grande valeur. Sur le plan intellectuel, il était une fierté. J’aimais beaucoup son parler. Un vrai grammairien qui maniait à la perfection le passé simple. Une virtuose. Mes textes étaient toujours bienvenus dans les colonnes du PETIT SAMEDI SOIR. Il les acceptait avec joie. Avant de les imprimer, comme l’aurait fait un frère aîné, il m’aidait à les reviser, à les peaufiner.

Merci Ben, homme de caractère … je ne t’oublierai jamais.

Condoléances à Inette, à tes enfants et tes frères Edy et Max!

Me Maurice CELESTIN-NOEL
LECHAPEAUTEUR
rmaurice.celestin@gmail.com

4 juillet 2021

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