Analyse Comparative : Constitution 1987 amendée et Projet de Nouvelle Constitution – LE DÉPARTEMENT (suite 2)

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Bonjour,
Café civique du 24 avril 2021

DU RÉGIME REPRÉSENTATIF
Les Collectivités Territoriales, la Décentralisation
et les Rôles des Partis Politiques

Analyse Comparative:
Constitution 1987 amendée
et Projet de Nouvelle Constitution

LE DÉPARTEMENT
(suite 2)

Chères et chers compatriotes,

Le café civique du 23 avril a commencé avec un inventaire des inconvénients du Projet de Nouvelle Constitution, La lecture, dans Le Nouvelliste du 22.04. 2021, d’un article de M. Louis Naud Pierre, sociologue et membre du Comité Consultatif Indépendant (CCI), intitulé ” Les grands enjeux d’un changement de Constitution” est l’expression d’un sociologue théoricien et non d’un sociologue chercheur. La sociologie, avons-nous appris, est l’étude scientifique des faits sociaux. Pour le fondateur de la sociologie, David Emile Durkheim, ” un fait social répond à un critérium de trois (3) natures distinctes:
1) il est extérieur à l’individu,
29 il est doté d’un pouvoir de coercision (contrainte),
3) il s’explique par d’autres faits sociaux.
Mais que fait M. Pierre de la perception, d’une part, des acteurs départementaux, communaux et subcommunaux ainsi que des institutions dont ils émanent? Son analyse se situe essentiellement sur le plan macro, mais fait totalement abstraction des plans meso et micro. Aucun résultat de recherche n’a été présenté sur le degré de satisfaction non seulement de l’électorat mais encore des élu(e)s des 4 Fédérations Nationales, Départementales et Communales, à savoir: Assemblées de Sections Communales (FENASEC), Délégués de Villes d’Haïti (FENADEVIH), Conseils d’Administrations de Sections Communales (FENACA) et des Maires d’Haïti (FENAMH).

Qu’en est-il, sur le plan du Département, de la suite des avantages et inconvénients du cadre juridique découlant de la Constitution 1987 amendée et du Projet de Nouvelle Constitution?

En effet, en comparant les 7 articles du Projet de Nouvelle Constitution ( Articles 249 à 255) aux dix (10) articles de la Constitution 1987 amendée (Articles 76 à 84) plus les 123 articles du Décret fixant les modalités d’organisation et de fonctionnement de la collectivité départementale conformément à la constitution, nous avons mentionné d’une part, la mort juridique du Conseil InterDépartemental (CID), d’autre part, celle du Conseil de Développement du Département (CDD). En d’autres termes, ces deux institutions sont supprimées. En outre, l’Assemblée Départementale qui était composée d’un (1) représentant de chaque assemblée municipale ( (Art.(80/ constitution 1987 amendée) est remplacée directement par l’Assemblée des Maires. Pourquoi? Le Projet de Nouvelle Constitution supprime le Cartel Municipal et le remplace par un seul citoyen. L’inconvénient est que les candidats au poste de Maire vont se multiplier. Comme ce sont des élections à un seul tour, on verra des Maires élus avec moins 25% de l’électorat. Diriger avec 75% de l’électorat contre soi surtout si l’Assemblée Municipale est dans l’opposition constitue une gageure pour l’élu(e). Nous y reviendrons en étudiant la Commune. Sur le papier, la formule de l’Assemblée des Maires pour, d’une part, élire le Conseil Départemental est séduisante, d’autre part, le contrôler dans son administration est tout aussi intéressante, mais je crains pour la compétence et la formation dans les petites Collectivités Territoriales. Si cette approche est retenue au niveau Départemental pourquoi ne pas la hisser sur le Plan National pour le Parlement monocaméral ou bicaméral. En d’autres termes, l’idée de Parlementaires- Maires du Juriste Henri M. Dorléans a tout son sens. Tant mieux pour les RESSOURCES FINANCIÈRES DE LA NATION ! Tant mieux pour le PEUPLE! Tant mieux pour les INFRASTRUCTURES!
Donc, une Assemblée Constituante formée des Représentants des Départements et de la Diaspora s’avère indispensable.

Pour le Conseil Départemental, l’article 250 du Projet conserve les trois membres prévus par l’article 78 de la Constitution amendée. Cependant, si le Décret-cadre de la Décentralisation en son article 39 avait désigné le/la premier (ère) élu(e), en termes de suffrages, Président(e) et les deux autres 1er(ère) et 2e adjoint(e)s par rapport au nombre de voix obtenues, l’article 250 b nomme les deux autres Vice-Président(e). Et pourquoi pas instituer la Présidence tournante chaque année? À mon avis, cette Présidence à tour de rôle a la triple vertu d’inviter à la modestie administrative et civique, de réduire la corruption et de combattre le favoritisme.
Concernant le mandat du Conseil et des membres de l’Assemblée, il est passé de 4 ans dans la Constitution en vigueur ( Article 78) à 5 ans (Article 251) dans le Projet de Nouvelle Constitution. L’article 79 de la Constitution existante précise que ” Le membre n’est pas forcément tiré de l’Assemblée” alors que la Nouvelle Constitution en son article 251, deuxième alinéa affirme que: “Les membres du Conseil départemental ne peuvent être choisis au sein de l’Assemblée des Maires”. Je ne vois pas la raison de cet empêchement. Pour moi s’il est élu, le candidat arrivé second lors des élections municipales le substitue.
Par contre, cet article ne dit pas si les élus sont immédiatement rééligibles ou indéfiniment rééligibles. Vu l’engouement des compatriotes pour les élections, je suis favorable à la non réélection immédiate et à deux mandats au maximum après le second.

Un autre souhait civique pour des raisons d’économie et de réallocation des ressources financières est la suppression des Délégations et des Vice-Délégations. Avec le Conseil Départemental , les Présidents n’ont plus besoin de représentants personnels dans les chefs-lieux de département. J’ai appris à remettre en question le régime monoprésidentiel quand j’ai vu ce qu’est un 14 juillet à Paris pendant que les Sans Domicile Fixe (SD) pullulent et meurent de froid dans la rue en hiver.
J’y reviendrai en étudiant le pouvoir exécutif.

S’agissant de l’article 252 du Projet énumérant les 5 conditions obligatoires pour être candidat (e) au Conseil départemental, il est régressif sur le plan de l’âge, discriminatoire sur plans fiscal et résidentiel par rapport à l’article 79 de l’actuelle constitution. En comparant ces deux articles, nous remarquons que:
1) le 1er alinéa de l’article 79 a été scindé en deux dans l’article 252 du Projet de Nouvelle Constitution, le premier segment relatif à la nationalité demeure, mais l’âge de 25 ans a été hissé à 35 ans. Pour quelle raison? Que fait-on des compatriotes qui ont terminé leur formation professionnelle à 18 ans après la 9e Année Fondamentale et 7 ans au moins d’adhérents à un Parti Politique? C’est de l’étroitesse d’esprit qui consiste en une perception négative et rétrograde de la jeunesse. En France, en Suisse, des Jeunes entrent au Parlement Cantonal/Départemental et National à l’âge de 22 ans. Je suis membre du Parti Démocrate du Centre (PDC) à Genève. Comme il s’agit de scrutins de listes pour les élections législatives sur le Plan Cantonal, les Jeunes présentent une liste différente de leurs aînés car ils ont aussi leurs réseaux de Jeunes;
2) le deuxième alinéa de l’article 79 relatif à la durée de résidence dans le Département est devenu le 6e alinéa dans le Projet avec un durcissement du nombre d’années de résidence; de 3 ans dans la teneur existante, cette durée de résidence est portée à 5 ans dans le Projet. Mais, de quel esprit civique sont animés nos 5 membres du Comité Consultatif Intérimaire (CCI)?
Cette durée de cinq (5) ans pour être Président de la République et Premier Ministre est un vestige colonial plus précisément de la Constitution de 1801 de Toussaint Louverture qui stipule en son article 22: ” L’Assemblée centrale de St Domingue est composée de deux députés par département lesquels, pour être éligibles, devront être âgés de 30 ans au moins et AVOIR RÉSIDÉ CINQ ANS DANS LA COLONIE” ( Louis Joseph Janvier, Les Constitutions d’Haïti, 1886). En d’autres termes, dans l’esprit des Constituant (e)s de 1987 et de tous les parlementaires des 44e à la 50e législature, les Haïtiens Vivant à l’Étranger sont des néo-colons, des exploiteurs, des profiteurs qui viennent s’enrichir en Haïti pour mener la belle vie à l’étranger. Aux dires du Dr Louis- Joseph Janvier, en Métropole, au 18e siècle, “tout Français puissamment riche était appelé CRÉOLE”.
La Diaspora n’a rien compris jusqu’à présent.

À mon avis, sur ce point, le Projet de Nouvelle Constitution est non seulement hostile à la migration Interdépartementale mais encore à l’intégration politique des Haïtiens Vivant à l’étranger.

La Diaspora haïtienne doit demander la suppression de cet article odieux, infamant et discriminatoire de notre Constitution. Tout comme les Haïtiens Vivant à l’Étranger n’ont pas besoin de visa pour entrer et sortir en Haïti, ils n’ont pas besoin non plus d’attestation de résidence pour concourir aux joutes électorales mais un Certificat de Bonne Vie et Moeurs ainsi qu’un extrait de Casier Juridique du Pays d’Accueil.

De son côté, le troisième alinéa de ce même article 79 a été reproduit tel quel au 3e alinéa du Nouveau texte (Article 252).

Soulignons que deux nouveaux alinéas ont été ajoutés à ce même article : les alinéas (d) et (e) qui stipulent respectivement : ” être en règle avec le fisc, honorer à temps ses obligations fiscales” et ” être propriétaire d’au moins un immeuble ou exercer une profession ou un métier dans le département”. Pour celui-ci, depuis quand peut-on posséder aisément une maison en Haïti? C’est encourager le citoyen ou la citoyenne à mentir. Evans Paul du FNCD, n’avait-il pas déclaré, dans une station de Radio, que le candidat Jean-Bertrand Aristide, en 1990, ex-prêtre, n’avait pas de maison? C’est lui qui a été chez un notaire pour faire passer une maison sous son nom comme propriétaire afin de remplir cette formalité. Nous devons comprendre la réalité du pays. À mon avis une Attestation de Domicile se révèle nécessaire. Et exercer un métier ou une profession? En 2019, le taux de chômage, en Haïti, d’après la Banque Mondiale est de 13,5 %. La pauvreté est généralisée dans le pays car 70% de la population vivent avec moins de $US 2 par jours et 50% avec moins de $US1 par jour. Et la Banque d’ajouter ” le chômage et le sous-emploi touchent 60% de la population mais le secteur informel représente 80% de l’emploi total”. Autrement dit, on peut être un professionnel et se trouver en situation de chômage.

Pour ne pas exclure des élections cette catégorie de la population formée, il faut remplacer l’attestation d’exercice de métier par un “Certificat ou une Attestation de l’École Professionnelle” prouvant qu’il ou elle a terminé sa formation. Et puis, rien ne doit empêcher à un(e) étudiant(e) de suspendre sa formation pour briguer un poste à une élection.

Pour l’autre alinéa (d), ” être en règle avec le fisc, honorer à temps ses obligations fiscales”. Est-ce que c’est la règle dans les autres pays? Le Premier Ministre désigné Laurent Lamothe n’avait-il pas passé cinq (5) ans sans avoir versé un centime à la DGI?
L’habitude de la Déclaration fiscale n’est pas encore entrée dans les moeurs en Haïti surtout dans le Secteur privé. Nous devons innover en demandant un extrait de Casier judiciaire et un Certificat de Bonne Vie et Moeurs pour tout travail à plein temps ou à temps partiel pour une durée de 3 mois au minimum.

Enfin, pour les articles 253, 254 et 255, nous présenterons leurs avantages et inconvénient dans le café civique de ce lundi 26 avril.

Patriotiques salutations

Hérard LOUIS

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